Des malades au coeur des soins
A l’Université des patients, ils côtoient les personnels médicaux
«Demain, les malades participeront à l’amélioration des soins. Comme si on demandait aux passagers d’un avion comment améliorer les sièges », explique Catherine Tourette-Turgis, chercheuse et psychothérapeute. Et demain approche à grands pas. Via l’Université des patients qu’elle a fondée en 2009, malades chroniques et soignants pouvaient suivre jusqu’à présent une formation diplômante (DU, master et doctorat) en éducation thérapeutique. A partir de mi-novembre, grâce au soutien de l’université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC Paris - VI) où ont lieu les cours, ainsi qu’au mécénat, deux nouveaux diplômes leur seront proposés : l’un en cancérologie, l’autre en démocratie de la santé.
Une renaissance
Si, au début, Catherine Tourette-Turgis comptait 30 % de patients et 70 % de soignants dans ses classes, c’est aujourd’hui l’inverse. Pendant son cours, l’enseignante projette des vidéos d‘anciens patients qui dévoilent comment ils se sont adaptés à la maladie. A l’écran, une adolescente séropositive depuis sa naissance, raconte le choc d’apprendre à 15 ans qu’elle n’est pas soignée pour une maladie des sinus… mais pour le sida. « Le pire effet secondaire de la maladie, c’est le mensonge », lâche la jeune fille. Dans la salle, cette phrase fait mouche. Fatima, infirmière spécialisée en pédiatrie, partage sa conviction : « Il faut dire la vérité aux enfants avec les mots adaptés. Je pense aux parents qui surprotègent leurs enfants, c’est difficile de leur apprendre à les accompagner, mais aussi à les laisser vivre. » Cette formation lui permet de « réviser sa pratique. Rendre le patient plus autonome, c’est comprendre pourquoi il ne veut plus suivre son traitement ». Pour beaucoup, mettre un pied dans une classe est vécu comme une renaissance. « Obtenir mon diplôme m’a redonné envie de me lever le matin alors que j’étais une morte vivante », raconte Sophie, atteinte d’une maladie auto-immune depuis vingt ans. La première année, elle est la seule patiente dans une promotion de soignants. « J’en ai poussé des coups de gueule et des “le patient te dit merde!” Les soignants connaissent les maladies, nous, on connaît les malades. Mais j’ai découvert aussi des gens sensibles qui font parfois preuve de maladresse, mais avec de bonnes intentions. » Aujourd’hui, Sophie suit un master et espère trouver un emploi dans la santé. « On a confié la codirection du nouveau DU sur la démocratie en santé à un ancien patient! annonce Catherine Tourette-Turgis. Voilà une illustration de l’intelligence collaborative dans le champ du savoir. » Son rêve? « Que chaque région compte une Université des patients. »