A la conquête des nouveaux sons
L’arrivée d’Internet a changé la façon dont on découvre les artistes
Il y a vingt ans, c’était facile. Pour faire des découvertes musicales quand on avait 16 ans en 1995, on lisait Les Inrocks, on écoutait l’émission de Bernard Lenoir sur France Inter et on échangeait des K7 de compilations avec des amis. Les Inrocks sont devenus un magazine de société, l’héritier légitime de Bernard Lenoir a été viré et les K7 n’existent plus. Et pourtant, les goûts musicaux n’ont jamais été aussi éclatés, riches, variés. Les offres de streaming illimité, les réseaux sociaux et les applications comme Shazam ont fait de nous des mélomanes curieux et avides de découvertes. Jean-Daniel Beauvallet, rédacteur en chef des Inrocks et programmateur du festival (du 18 au 21 novembre à Paris, Tourcoing, Nantes et Bordeaux), espère malgré tout jouer encore un rôle de dénicheur de talents et de prescripteur. Il est ainsi assez fier d’avoir débusqué Goat Girl, un groupe de filles de Londres : « La concurrence est rude et la difficulté, c’est le timing. Programmer un groupe émergent trop tôt, ce n’est pas lui rendre service. Et attendre qu’il soit vraiment prêt, c’est prendre le risque de se faire piquer la découverte. »
Dictature de la playlist
Quelques semaines avant le festival des Inrocks, le Pitchfork Music Festival avait déjà consacré une partie non négligeable de sa programmation à la découverte des groupes inconnus des spécialistes. « A nos débuts, les jeunes groupes se battaient pour être programmés chez nous, explique JeanDaniel Beauvallet. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus dur. Le live est devenu la principale source de revenus des artistes, les négociations sont plus tendues. » Les spectateurs n’attendent plus les festivals pour faire des découvertes. « Mes groupes, pour leur trouver des dates de concerts, ils doivent avoir au moins un morceau avec des dizaines de milliers d’écoutes, explique Julien Manaud, cofondateur de la maison de disques Lisbon Lux Records. A partir d’un million de vues sur Spotify pour un groupe, les lumières s’allument toutes d’un coup. Monter une fanbase sur Internet, c’est long et compliqué, mais c’est le seul chemin. » Pour lui, le graal est d’avoir une synchro dans une série US. « Si tu places un morceau dans celle du moment, ton artiste décolle immédiatement. Regarde les tops Shazam en temps réel pendant les diffusions de “Walking Dead”, c’est hallucinant. »
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