On ne nous épagneul rien
Le maître d’un chien en attaque un autre après une saillie
Eden du Chavanon doit-elle être indemnisée au titre des souffrances subies? La question n’est pas un cadeau pour le tribunal d’instance de Clermont-Ferrand qui avait à se pencher sur ce cas mardi matin. Tout bêtement parce qu’Eden est un épagneul breton !
Ablation de l’utérus
Le 24 novembre 2014, dans le village de Messeix (Puy-de-Dôme), cette femelle a subi la saillie d’un border collie appartenant à un voisin. Résultat ? Sept chiots noirs et blancs nés quelques mois plus tard, mais aussi des complications pour Eden dont il faudra retirer l’utérus, en urgence, à la clinique vétérinaire. Le maître voit rouge, saisit la justice et demande plusieurs milliers d’euros de dommages et intérêts au voisin. L’affaire a été mise en délibéré, la décision de justice sera rendue le 14 mars. Le propriétaire demande au voisin 1 000 € de dommages et intérêts au titre de remboursement des frais vétérinaires, 2 000 € parce que sa chienne ne pourra plus se reproduire, et 2000€ encore pour les souffrances endurées par son animal de compagnie des suites des opérations à la clinique vétérinaire. Cette dernière requête pose question. « Toute souffrance portée à l’animal a toujours pu faire l’objet devant les tribunaux d’indemnisations, rappelle Caroline Lanty, avocate spécialiste du droit des animaux. Mais d’habitude, la justice indemnise le propriétaire pour la perte de son animal ou pour les frais qu’il a dû engendrer lorsque son animal était malade. » Jusque-là, donc, la justice se positionnait du côté du maître. Me Jean-Hubert Portejoie, l’avocat du propriétaire d’Eden, veut inverser le raisonnement en s’appuyant sur l’article 515-14 du Code civil, introduit en 2015. L’article, qui tient en une ligne, donne un nouveau statut juridique de l’animal, le faisant passer de « bien meuble » à « un être vivant doué de sensibilité ». Cette nouvelle ligne dans le Code civil offre toutefois de nouvelles possibilités aux avocats. C’est ce dans quoi s’engouffre Jean-Hubert Portejoie. « Je veux faire bouger la jurisprudence, clame-t-il. Je pose la question frontalement : “Un animal peut-il être indemnisé de sa souffrance ?” »