Mêmes élèves, ils sont suspects
Plusieurs professeurs dénoncent des abus lors de sorties scolaires
Elle réfléchit à la possibilité de saisir l’IGPN. « Je me suis rendue dans mon commissariat de quartier, mais les policiers ont refusé de prendre une plainte contre leurs collègues », se désole Elise Boscherel, professeure de lettres et d’histoire au lycée professionnel d’Epinay-surSeine (Seine-Saint-Denis). Le 1er mars, cette enseignante rentre d’un voyage scolaire. « Les élèves dormaient tous dans le train », précise-t-elle d’emblée. Pourtant, à peine arrivés gare du Nord, deux fonctionnaires de police s’approchent. Contrôle d’identité, ouverture de valises, palpation devant la classe et provocation : « Vous voyez, on fait bien notre travail, votre élève a un casier judiciaire », s’entend-elle dire. Pour l’enseignante, pas de doute, l’objectif était l’humiliation publique. « Mes élèves sont malheureusement habitués à ces discriminations. » En décembre dernier, une professeure d’un lycée de Stains (Seine-SaintDenis) avait raconté sur Facebook sa calamiteuse visite du musée d’Orsay. Les gardiens, insultants et agressifs, auraient poussé la classe à écourter sa visite. La direction a nié, mais ce coup de gueule a libéré la parole.
Un cours de bonne tenue
Pierre Lelorrain, professeur dans un lycée professionnel de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) a dû séparer ses 19 élèves en groupes, lors de leur visite du musée d’Art moderne de Strasbourg, « pour qu’ils puissent être surveillés ». Une classe d’un lycée de Strasbourg avait, elle, le droit de déambuler librement dans les couloirs. Contactée, la direction du musée n’a aucun souvenir de cette visite. Désormais, en plus des craintes habituelles avant une sortie scolaire, certains professeurs s’inquiètent de se voir réserver un « traitement spécial ». Une professeure d’un collège essonnais confie avoir songé à ne plus rien organiser après une sortie au cinéma où ses élèves avaient eu droit à « un cours de bonne tenue avant la séance. Ne pas parler, ne pas se lever et, surtout, ne pas cracher ». Le lycée est situé à côté d’une cité, l’amalgame est facile. Le cinéma s’est excusé, « mais le mal est fait. Ces élèves assimilent le fait qu’ils ne sont pas considérés comme les autres. » Ulcérée par son expérience, Elise Boscherel a appelé, dans une tribune, les professeurs concernés à porter plainte auprès de l’IGPN – la police des polices – et à faire un signalement auprès du Défenseur des droits.