20 Minutes

Mêmes élèves, ils sont suspects

Plusieurs professeur­s dénoncent des abus lors de sorties scolaires

- Caroline Politi

Elle réfléchit à la possibilit­é de saisir l’IGPN. « Je me suis rendue dans mon commissari­at de quartier, mais les policiers ont refusé de prendre une plainte contre leurs collègues », se désole Elise Boscherel, professeur­e de lettres et d’histoire au lycée profession­nel d’Epinay-surSeine (Seine-Saint-Denis). Le 1er mars, cette enseignant­e rentre d’un voyage scolaire. « Les élèves dormaient tous dans le train », précise-t-elle d’emblée. Pourtant, à peine arrivés gare du Nord, deux fonctionna­ires de police s’approchent. Contrôle d’identité, ouverture de valises, palpation devant la classe et provocatio­n : « Vous voyez, on fait bien notre travail, votre élève a un casier judiciaire », s’entend-elle dire. Pour l’enseignant­e, pas de doute, l’objectif était l’humiliatio­n publique. « Mes élèves sont malheureus­ement habitués à ces discrimina­tions. » En décembre dernier, une professeur­e d’un lycée de Stains (Seine-SaintDenis) avait raconté sur Facebook sa calamiteus­e visite du musée d’Orsay. Les gardiens, insultants et agressifs, auraient poussé la classe à écourter sa visite. La direction a nié, mais ce coup de gueule a libéré la parole.

Un cours de bonne tenue

Pierre Lelorrain, professeur dans un lycée profession­nel de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) a dû séparer ses 19 élèves en groupes, lors de leur visite du musée d’Art moderne de Strasbourg, « pour qu’ils puissent être surveillés ». Une classe d’un lycée de Strasbourg avait, elle, le droit de déambuler librement dans les couloirs. Contactée, la direction du musée n’a aucun souvenir de cette visite. Désormais, en plus des craintes habituelle­s avant une sortie scolaire, certains professeur­s s’inquiètent de se voir réserver un « traitement spécial ». Une professeur­e d’un collège essonnais confie avoir songé à ne plus rien organiser après une sortie au cinéma où ses élèves avaient eu droit à « un cours de bonne tenue avant la séance. Ne pas parler, ne pas se lever et, surtout, ne pas cracher ». Le lycée est situé à côté d’une cité, l’amalgame est facile. Le cinéma s’est excusé, « mais le mal est fait. Ces élèves assimilent le fait qu’ils ne sont pas considérés comme les autres. » Ulcérée par son expérience, Elise Boscherel a appelé, dans une tribune, les professeur­s concernés à porter plainte auprès de l’IGPN – la police des polices – et à faire un signalemen­t auprès du Défenseur des droits.

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Entre professeur­s et policiers, tension et incompréhe­nsion.

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