Le malaise chinois grandit
La mort de Shaoyo Liu ébranle la communauté
L’ouverture de deux enquêtes n’a pas calmé l’émoi de la communauté chinoise après le décès de Shaoyo Liu, dimanche, dans le 19e. Ce père de famille a été abattu par un policier. Les forces de l’ordre assurent qu’il s’agit d’un acte de légitime défense, la famille, elle, est convaincue que c’est une bavure. « Jusqu’à présent, je me disais que la police nous protégeait. Mais je commence à douter, confie Wang. On aime bien les Chinois tant qu’ils travaillent et qu’ils se taisent, mais dès qu’on réclame quelque chose, on nous ramène immédiatement à notre statut d’immigré. » Les manifestations, lundi et mardi soir, n’ont fait que renforcer une certaine défiance vis-à-vis de la police. Beaucoup assurent avoir été victimes de « violences » gratuites. « Il y a eu des manifestants agressifs, reconnaît Thibaut, mais les policiers frappaient dans tous les sens, sans chercher à faire de distinction. » En juin 2010, puis en 2011, la communauté chinoise a manifesté à Belleville pour exiger une meilleure protection des services de police. Les commerçants du quartier se plaignaient d’être régulièrement détroussés par des petites frappes sans que les forces de l’ordre interviennent. A ce sentiment d’impunité s’ajoute la réticence à pousser la porte d’un commissariat. A cause de problèmes de langue, de papiers pas toujours en règle et parfois d’un manque de considération. Liang se souvient de la fois où il a accompagné sa mère déposer plainte après le vol de son sac. « Les policiers ne faisaient aucun effort pour comprendre. Quand je voulais traduire, ils m’envoyaient balader. Est-ce qu’ils auraient été aussi impolis si ma mère avait été blanche ? »
Des cours d’autodéfense
Certains commissariats, comme celui d’Aubervilliers, ont néanmoins décidé de se doter d’un traducteur pour faciliter l’enregistrement des plaintes. Insuffisant, aux yeux des habitants. « Depuis quelques années, la diaspora chinoise a fait évoluer ses habitudes, indique Pierre Picquart, géopolitologue, spécialiste de la Chine. Beaucoup ne gardent plus d’importantes sommes en liquide sur eux, par exemple. Ils sont plus méfiants. » Dans certains quartiers, des comités de protection se sont organisés et des associations proposent des cours d’autodéfense.