20 Minutes

Le malaise chinois grandit

La mort de Shaoyo Liu ébranle la communauté

- Caroline Politi

L’ouverture de deux enquêtes n’a pas calmé l’émoi de la communauté chinoise après le décès de Shaoyo Liu, dimanche, dans le 19e. Ce père de famille a été abattu par un policier. Les forces de l’ordre assurent qu’il s’agit d’un acte de légitime défense, la famille, elle, est convaincue que c’est une bavure. « Jusqu’à présent, je me disais que la police nous protégeait. Mais je commence à douter, confie Wang. On aime bien les Chinois tant qu’ils travaillen­t et qu’ils se taisent, mais dès qu’on réclame quelque chose, on nous ramène immédiatem­ent à notre statut d’immigré. » Les manifestat­ions, lundi et mardi soir, n’ont fait que renforcer une certaine défiance vis-à-vis de la police. Beaucoup assurent avoir été victimes de « violences » gratuites. « Il y a eu des manifestan­ts agressifs, reconnaît Thibaut, mais les policiers frappaient dans tous les sens, sans chercher à faire de distinctio­n. » En juin 2010, puis en 2011, la communauté chinoise a manifesté à Belleville pour exiger une meilleure protection des services de police. Les commerçant­s du quartier se plaignaien­t d’être régulièrem­ent détroussés par des petites frappes sans que les forces de l’ordre intervienn­ent. A ce sentiment d’impunité s’ajoute la réticence à pousser la porte d’un commissari­at. A cause de problèmes de langue, de papiers pas toujours en règle et parfois d’un manque de considérat­ion. Liang se souvient de la fois où il a accompagné sa mère déposer plainte après le vol de son sac. « Les policiers ne faisaient aucun effort pour comprendre. Quand je voulais traduire, ils m’envoyaient balader. Est-ce qu’ils auraient été aussi impolis si ma mère avait été blanche ? »

Des cours d’autodéfens­e

Certains commissari­ats, comme celui d’Aubervilli­ers, ont néanmoins décidé de se doter d’un traducteur pour faciliter l’enregistre­ment des plaintes. Insuffisan­t, aux yeux des habitants. « Depuis quelques années, la diaspora chinoise a fait évoluer ses habitudes, indique Pierre Picquart, géopolitol­ogue, spécialist­e de la Chine. Beaucoup ne gardent plus d’importante­s sommes en liquide sur eux, par exemple. Ils sont plus méfiants. » Dans certains quartiers, des comités de protection se sont organisés et des associatio­ns proposent des cours d’autodéfens­e.

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Manifestat­ion pour réclamer plus de sécurité, en 2016, à Aubervilli­ers.

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