Ferrand brouille la loi de moralisation de Bayrou
Le garde des Sceaux a présenté, jeudi, son projet de loi
Il n’avait pas encore dit un mot sur l’affaire qui empoisonne l’exécutif depuis plusieurs jours. François Bayrou avait décidé de s’en tenir à cette ligne, jeudi, au moment de dévoiler sa loi de moralisation de la vie publique. Mais la présentation du projet, promis de longue date par Emmanuel Macron, est arrivée au pire des moments pour le gouvernement. Dans la matinée, le parquet de Brest a ouvert une enquête préliminaire dans l’affaire impliquant Richard Ferrand. Il est reproché au ministre de la Cohésion des territoires d’avoir permis à sa compagne d’emporter un marché immobilier lors de la location d’un logement commercial par une mutuelle dont il était le directeur.
Redonner confiance
Alors, d’emblée, le garde des Sceaux a tenté de prévenir toute ambiguïté : « Les institutions ne sont pas faites pour rendre les hommes vertueux, mais pour éviter que les faiblesses humaines ne contaminent le corps social. » Et d’enfoncer le clou : la loi ne portera plus le nom de « moralisation », mais, de « loi pour la confiance dans notre vie démocratique ». Un choix politique : le terme initialement prévu « pourrait revenir comme un boomerang », avait prévenu Edouard Philippe, selon Le Canard enchaîné. Pendant près d’une heure, le ministre de la Justice a déroulé ses propositions pour que les citoyens reprennent « confiance » en leurs élus (lire ci-dessous). Un combat cher au Béarnais. Dès la campagne de 2007, le candidat à la présidentielle avait prévu une batterie de mesures pour moraliser la vie politique. Il avait même « proposé un référendum [en 2012] sur cette question », a-t-il rappelé jeudi. Et en 2017, le maire de Pau en faisait une condition sine qua non de son soutien à Macron. Alors, quand la première question a évoqué l’affaire Ferrand, François Bayrou a affiché un visage dépité et a dégainé le Code pénal : « La loi interdit que je puisse faire quelque commentaire que ce soit dans des affaires individuelles et je n’en ferai pas. » Et à chaque fois que les journalistes sont revenus à la charge, le ministre a botté en touche, jusqu’à s’agacer : « On va mettre un peu d’ordre… D’abord les questions sur le texte, le contexte viendra après ! » Malgré toutes ces précautions, l’affaire Ferrand a pollué le lancement de la première grande loi du quinquennat. Comme un symbole, l’association anticorruption Anticor, qui a salué l’ambition du projet, est aussi celle qui a adressé au parquet de Brest une plainte contre X sur le fondement du délit d’abus de confiance. Le contexte est d’autant plus brouillé qu’à quelques jours des législatives l’affaire est devenue une arme politique. Même Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France et cadre LR, plutôt clément avec l’exécutif, a estimé, jeudi, que la loi de moralisation était « aujourd’hui décrédibilisée » par les révélations.