Jafar Panahi dévisage l’Iran face caméra
Frappé d’une interdiction de réaliser, le cinéaste iranien sort malgré tout « Trois visages », prix du scénario à Cannes
Attention, cet homme est dangereux, un cinéaste subversif à qui son pays, l’Iran, interdit de réaliser des films. Ce qui n’a jamais empêché Jafar Panahi d’en faire, se mettant lui-même en scène, en posant son regard souvent ironique sur le monde qui l’entoure et en se jouant des contraintes imposées par ses condamnations pour provocations vis-à-vis du régime. Jafar Panahi, frappé d’une interdiction de réaliser des films depuis 2010, conduit l’actrice Behnaz Jafari dans des villages où il a passé son enfance dans Trois visages. Il profite de ces coins à l’abri des regards pour observer celui que portent des villageois sur trois femmes, trois actrices symboles d’une émancipation difficile à accepter. Jafar Panahi avait enlevé tous les noms du générique de Taxi Téhéran (2015) pour qu’aucun de ses acteurs ou collaborateurs ne puisse être inquiété. Cette fois, tous ont demandé à y figurer pour montrer leur opposition à la situation dans laquelle se trouve le cinéaste, interdit dans son pays, mais multi-récompensé à l’étranger (Trois visages a reçu le prix du scénario à Cannes). Pour l’instant, les autorités n’ont pas bronché. Le cinéaste reste malgré tout privé de son passeport, ce qui l’empêche d’accompagner ses films dans les festivals.
« Avec le gouvernement iranien, on ne sait jamais à quoi s’en tenir, explique Solmaz Panahi, la fille du réalisateur. Mon père et tous les gens qui travaillent avec lui subissent des interrogatoires réguliers et sont surveillés. » Sa fille a décidé de vivre en France alors que Jafar Panahi n’a pas quitté l’Iran. « C’est aussi violent que la prison de vivre et travailler avec ces contraintes, dit-elle. Mais faire des films est la seule chose qui le fasse vivre et vibrer. »
« Plutôt que de prendre le risque de venir à Berlin ou à Cannes et de ne plus pouvoir rentrer en Iran, il préfère continuer à faire des films en Iran, même clandestinement, explique sa monteuse Mastaneh Mohajer. Car il vit dans l’espoir de pouvoir un jour les projeter de nouveau aux Iraniens, à qui ils s’adressent. »
«Faire des films est la seule chose qui le fasse vivre et vibrer.» Solmaz Panahi, sa fille