20 Minutes

Jafar Panahi dévisage l’Iran face caméra

Frappé d’une interdicti­on de réaliser, le cinéaste iranien sort malgré tout « Trois visages », prix du scénario à Cannes

- Stéphane Leblanc

Attention, cet homme est dangereux, un cinéaste subversif à qui son pays, l’Iran, interdit de réaliser des films. Ce qui n’a jamais empêché Jafar Panahi d’en faire, se mettant lui-même en scène, en posant son regard souvent ironique sur le monde qui l’entoure et en se jouant des contrainte­s imposées par ses condamnati­ons pour provocatio­ns vis-à-vis du régime. Jafar Panahi, frappé d’une interdicti­on de réaliser des films depuis 2010, conduit l’actrice Behnaz Jafari dans des villages où il a passé son enfance dans Trois visages. Il profite de ces coins à l’abri des regards pour observer celui que portent des villageois sur trois femmes, trois actrices symboles d’une émancipati­on difficile à accepter. Jafar Panahi avait enlevé tous les noms du générique de Taxi Téhéran (2015) pour qu’aucun de ses acteurs ou collaborat­eurs ne puisse être inquiété. Cette fois, tous ont demandé à y figurer pour montrer leur opposition à la situation dans laquelle se trouve le cinéaste, interdit dans son pays, mais multi-récompensé à l’étranger (Trois visages a reçu le prix du scénario à Cannes). Pour l’instant, les autorités n’ont pas bronché. Le cinéaste reste malgré tout privé de son passeport, ce qui l’empêche d’accompagne­r ses films dans les festivals.

« Avec le gouverneme­nt iranien, on ne sait jamais à quoi s’en tenir, explique Solmaz Panahi, la fille du réalisateu­r. Mon père et tous les gens qui travaillen­t avec lui subissent des interrogat­oires réguliers et sont surveillés. » Sa fille a décidé de vivre en France alors que Jafar Panahi n’a pas quitté l’Iran. « C’est aussi violent que la prison de vivre et travailler avec ces contrainte­s, dit-elle. Mais faire des films est la seule chose qui le fasse vivre et vibrer. »

« Plutôt que de prendre le risque de venir à Berlin ou à Cannes et de ne plus pouvoir rentrer en Iran, il préfère continuer à faire des films en Iran, même clandestin­ement, explique sa monteuse Mastaneh Mohajer. Car il vit dans l’espoir de pouvoir un jour les projeter de nouveau aux Iraniens, à qui ils s’adressent. »

«Faire des films est la seule chose qui le fasse vivre et vibrer.» Solmaz Panahi, sa fille

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Behnaz Jafari (à g.) et Jafar Panahi dans Trois visages.

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