Le ballon rond, devoir de mémoire
L’émotion liée à certains souvenirs footballistiques des patients souffrant d’Alzheimer ne s’efface pas malgré la maladie
Les passionnés de foot ont cette formidable capacité de calquer leurs souvenirs en fonction d’un match, d’une victoire, d’une émotion. Ainsi, nombre de supporters marseillais se souviennent de ce qu’ils faisaient, ce qu’ils disaient le 26 mai 1993, le jour où l’OM a remporté la Coupe d’Europe. Et, malgré le temps qui passe, rien ne vient altérer leur mémoire.
« La thérapie de réminiscence »
Bonne nouvelle : cela marche aussi quand la mémoire est défaillante. C’est la conclusion tirée d’une expérience sur des patients souffrant d’Alzheimer menée en partenariat par la fondation Santé et vieillissement de l’université autonome de Barcelone et la revue Libero. Le foot stimule la conversation et les capacités cérébrales de ces patients capables de flashs mémoriels assez incroyables. Diego Barcelo, rédacteur de la revue Libero, a créé spécialement des numéros d’époque, avec Pelé ou Cruyff en couverture, et a même embauché un commentateur radio pour faire revivre les grands matchs des années 1950 jusqu’aux années 1970 dans les conditions du direct. « Une jeune fille m’a écrit pour me dire : “Ma grand-mère ne me reconnaît plus, mais quand je commence à lui chanter l’hymne de l’Atlético de Madrid, elle finit les paroles avec moi.” Les familles retrouvent un sujet sur lequel échanger avec la personne atteinte. » La méthode a un nom : « la thérapie de réminiscence », qui vise à améliorer la qualité de vie des seniors victimes d’Alzheimer. En Espagne, ce travail est facilité par la participation d’anciennes gloires du foot à travers l’association des ex-joueurs de première division. En France, aucune expérience de ce type n’a jamais été tentée. Le neurologue Olivier Rouaud a, lui, testé sur plusieurs supporters de Dijon, de tous les âges, leur capacité à se souvenir des scores de tous les matchs de leur club préféré sur les deux dernières saisons. « On a découvert qu’il n’y avait pas d’effet d’âge entre les plus jeunes et les plus vieux, parmi des experts du foot, explique le spécialiste. La capacité de rappel, à se souvenir de passions antérieures comme le foot, ne diminue pas avec les années. »