Politique
Le ministère des Sports sur le terrain de l’incertitude
Les vacances sont déjà loin pour Emmanuel Macron. Après la démission de Nicolas Hulot, le ministre de l’Ecologie, c’est Laura Flessel, la ministre des Sports, qui s’est fait la malle, mardi, remplacée par l’ancienne nageuse Roxana Maracineanu. Quand certains médias comme Médiapart ou Le Canard enchaîné évoquent des démêlés fiscaux pour expliquer le départ de l’ex-escrimeuse, d’autres ont du mal à ne pas y voir la main invisible des limites budgétaires.
«Je maintiens que sa démission est liée à des raisons de moyens, confie Régis Juanico, député La Nouvelle Gauche. Elle était prise en tenaille entre des objectifs très ambitieux fixés par le président [augmentation du nombre de pratiquants, objectifs de 80 médailles aux JO 2024] et la faiblesse des moyens à sa disposition.» Dernier exemple de ces contradictions, la prévision d’une réduction de 6,2 % du budget alloué aux Sports en 2019. Pour Patrick Wincke, directeur technique national de la boxe, ces coups de rabots budgétaires sont «incompréhensibles» : «On était ravi de l’idée de remettre le sport à sa vraie place. Comment fait-on pour continuer à aider le monde sportif avec un budget à la baisse ? C’est de l’ordre de la magie. » Et Laura Flessel maniait l’épée, pas la baguette.
Problème de gouvernance
Au-delà de cette démission, c’est toute la question de la gouvernance du sport français qui doit être réglée. Au niveau professionnel ou amateur, la France est tiraillée entre la volonté, pour l’Etat, de garder la main sur cette question et celle de déléguer une partie des ses prérogatives à d’autres entités, comme les fédérations ou le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). « Ce modèle est unique, note Armand de Rendinger, consultant et auteur de livres sur l’olympisme. Aux Etats-Unis ou en Angleterre, c’est totalement privé.» Avant de s’en aller, Laura Flessel avait impulsé une profonde réforme de la gouvernance du sport. Le 18 avril, le ministère des Sports et le CNOSF s’étaient mis d’accord pour créer une sorte de superstructure, l’Agence nationale du sport, censée régler le problème et gérer à la fois le sport de haut niveau et le sport amateur. Pour Armand de Rendinger, la France devrait réfléchir à la création d’un nouveau modèle «basé sur le privé, avec une contribution publique, mais qui ne serait plus un service public en soi.» Une vision que ne partage pas Patrick Kanner, le prédécesseur de Laura Flessel : «Elle a voulu rénover la gouvernance du sport dans une voie que je n’aurais pas choisie, avec plus de pouvoir au mouvement sportif, dont les demandes sont légitimes de leur point de vue. De mon côté, je pense qu’il faut un pouvoir politique qui soit fort avec un ministère puissant et bien armé sur le plan budgétaire.»