Les contradictions d’Esteban Morillo
L’un des trois accusés du meurtre de Clément Méric a présenté un nouveau visage, mardi, au premier jour du procès
Costume noir, cheveux bien peignés et barbe rase. Cinq ans après la mort du militant antifasciste Clément Méric, Esteban Morillo, l’un des trois accusés, est presque méconnaissable. Difficile d’imaginer qu’il y a quelques années, le jeune homme arborait un look de skinhead et un tatouage «travail-famille-patrie» sur l’avantbras. «Je ne savais pas que ça avait un rapport avec Vichy, je trouvais que la devise était belle», a-t-il expliqué mardi, au premier jour de son procès pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner en réunion et avec arme », un crime passible de vingt ans de prison. De toute façon, le tatouage a été recouvert au printemps.
Le physique a changé, le discours aussi. Si Esteban Morillo est très disert lorsqu’il s’agit d’évoquer sa jeunesse heureuse en Picardie, sa formation en boulangerie-pâtisserie ou sa passion pour les animaux, il est beaucoup moins enclin à se replonger dans son engagement nationaliste. Il affirme avoir été introduit dans le mouvement Troisième Voie, un groupuscule d’extrême droite à l’idéologie raciste, par deux amis, à son arrivée à Paris, à 18 ans. Jamais, assure-t-il, il n’a été adhérent. Seulement « sympathisant ». Et encore, quelques mois, en 2011. « Je les ai aidés sur des rassemblements pour faire du nombre. » Tout au long de l’audience, il s’emploie à tenir la politique à distance, décrit le mouvement – dissous après l’affaire – comme « un syndicat ni de droite ni de gauche, avec une conviction solidariste ». Qu’est-ce que cela signifie ? l’interroge la présidente. «Je ne sais même pas», admet l’accusé. Au moment de la mort de Clément Méric, affirme-t-il, il s’était détaché de Troisième Voie, n’était plus un skinhead – « C’était des gros bourrins, ce que je ne suis pas.» Pourtant, fait remarquer Cosima Ouhioun, l’une des avocates de la famille de la victime, il a été photographié en mai 2013, soit un mois avant la mort de Clément Méric, dans une manifestation, portant le drapeau de la jeunesse nationaliste révolutionnaire, le bras armé de Troisième Voie.
Le discours est lisse, bien rodé. Peutêtre un peu trop. A chaque fois qu’il est mis en difficulté, Esteban Morillo invoque des trous de mémoire. Comme lorsque la présidente l’interroge sur son ancienne page Facebook sur laquelle le seul livre mentionné était Mein Kampf. Pas de souvenirs. « On a du mal à croire que vous oubliez tant de choses alors que vous êtes jeune et que ce sont des choses extrêmement sérieuses », déclare l’avocat général.
A chaque fois qu’il est mis en difficulté, il invoque des trous de mémoire.