20 Minutes

#pris pour cible

Pour un simple tweet, Valentine a été insultée par des centaines de personnes, et menacée. Son témoignage, comme d’autres que « 20 Minutes » publiera chaque lundi, illustre la violence du cyberharcè­lement.

- Propos recueillis par Hélène Sergent

« Dans la nuit du 4 au 5 août, j’ai posté un tweet pour exprimer simplement ce que “se respecter” était pour une femme, raconte Valentine, victime de cyberharcè­lement. Les injonction­s permanente­s faites aux femmes sur leur maquillage, leurs habits et leur comporteme­nt on tendance à m’agacer. Alors j’ai écrit : “Une meuf qui se respecte, c’est une meuf qui respecte SES envies, SES attentes, SON désir et SES ambitions, pas les vôtres. C’est le principe de SE respecter.” Le lendemain, je me suis réveillée avec des centaines de messages d’internaute­s, certains en privé, qui me disaient que j’étais qu’une salope, que je méritais de me faire violer, qu’“il aurait fallu m’euthanasie­r”. J’ai reçu entre 300 et 400 messages en tout. Trois d’entre eux m’ont signifié qu’ils avaient l’adresse de mon domicile, qu’ils savaient où j’habitais. Là, ça m’a fait peur, ça devenait très réel. Je n’étais pas chez moi ce week-end-là. Quand je suis rentrée le dimanche, j’ai trouvé dans ma boîte aux lettres trois papiers avec des menaces de mort et de viol. Dans le cadre de mon travail – je bosse sur le “Deep Web” et “Dark Web” – j’ai noué des amitiés avec des personnes douées en informatiq­ue. J’ai sollicité leur aide et, ensemble, on a pu retrouver l’adresse IP des trois personnes qui m’avaient envoyé un message privé dans lequel figurait mon adresse. On a aussi retrouvé leur domicile et mes amis sont allés sonner chez eux en leur disant : “Il va falloir se calmer, si vous continuez, on portera plainte”. L’objectif, c’était de leur dire qu’on pouvait faire la même chose qu’eux, dans un cadre légal. Ils ont claqué des genoux et se sont étonnés d’avoir été retrouvés, en expliquant qu’ils avaient utilisé un VPN.

Le message qu’on nous renvoie : «T’es une femme, tu ne devrais pas t’exprimer. »

J’avais déjà été attaquée en ligne, mais toujours dans le cadre de mon travail. Là, ça m’a particuliè­rement touchée parce que ça a réveillé des choses douloureus­es. C’étaient des attaques personnell­es, essentiell­ement relatives au sexe féminin. Alors qu’on nous vend les réseaux comme des moyens d’expression, finalement, même là-dessus, et avec la “sécurité” de l’anonymat, le message qu’on finit toujours par nous renvoyer, c’est : “T’es une femme, tu ne devrais pas t’exprimer”. La réponse que m’ont apportée mes proches, c’était grosso modo : “Tu n’as qu’à faire une pause sur Twitter”, comme si la solution immédiate c’était de se taire! J’ai suivi leur conseil, puis j’ai publié un message en disant que je continuera­i de m’exprimer et que, si les menaces continuaie­nt, ça se réglerait devant les tribunaux. La plupart des messages très explicites ont été supprimés, certains utilisateu­rs ont été bannis et je les ai bloqués.

Ça n’a pas de sens pour moi de dire aux victimes de cyberharcè­lement : “Tu as pris un risque en utilisant les réseaux”. Cela revient à invisibili­ser le problème, qui est : “On ne harcèle pas”. Aujourd’hui, ça s’est un peu calmé, mais j’attends de voir si ça se tasse vraiment. J’ai quand même pris contact avec un avocat qui travaille sur ce genre de dossier. Quand on outrepasse la loi, il y a des conséquenc­es. »

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A nos lecteurs. Chaque mardi, retrouvez « 20 Minutes » en version PDF sur le site et les applicatio­ns mobiles. Et suivez l’actualité sur l’ensemble de nos supports numériques. Un exemple d’insultes reçues par Valentine.
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Valentine n’a pas déposé plainte, mais elle est en contact avec un avocat spécialist­e du cyberharcè­lement.

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