Des détails d’une grande importance
Le tribunal cherche à savoir qui a provoqué la bagarre fatale et si des poings américains ont été utilisés par les accusés
Il fond en larmes à la barre. Voilà plus de deux heures qu’Esteban Morillo retrace, devant la cour d’assises de Paris, l’après-midi du 5 juin 2013 et la bagarre au cours de laquelle Clément Méric, un jeune militant antifasciste, est décédé. «Quand j’ai compris qu’il était mort, j’ai senti tout s’effondrer autour de moi. Je savais que c’était moi qui l’avais tué », lâche l’accusé d’une voix chevrotante, les mains jointes devant la barre. Esteban Morillo, aujourd’hui âgé de 25 ans, a reconnu tout au long de la procédure avoir donné deux coups de poing à Clément Méric. Mais, dans cette affaire, comme l’a rappelé la semaine dernière un enquêteur de la brigade criminelle, « les détails ont une certaine importance ». A commencer par les circonstances de la rixe. Qui des skins ou des antifas a provoqué l’autre groupe ? Qui a donné le premier coup ? Des poings américains ont-ils été utilisés ? Dans cette affaire, c’est parole contre parole. De part et d’autre, on s’accuse des premiers coups. Les témoignages sont contradictoires et la seule vidéo à disposition ne filme que les jambes des protagonistes.
« Je n’ai pas frappé pour lui faire mal, mais pour le repousser. » Esteban Morillo
Seule certitude, la rixe dure, en tout et pour tout sept secondes. Selon Esteban Morillo, Clément Méric l’a insulté alors qu’il passait à sa hauteur, ce qui l’aurait poussé à s’approcher « pour en parler ». Des faits dont il n’avait jamais parlé auparavant. Il affirme avoir été rapidement encerclé par trois antifas. A l’entendre, il n’a fait que se défendre. « Je n’ai pas frappé pour lui faire mal, mais pour le repousser. » Pourquoi alors avoir visé la tête, s’enquiert la présidente. S’il confie à la cour avoir un temps espéré que ses accolytes aient également frappé Clément Méric – « j’espérais que ce ne soit pas moi le meurtrier » –, jamais il n’a chargé son coaccusé, Samuel Dufour. Lui n’a eu de cesse de nier, affirmant qu’au moment des faits, il se battait avec un autre antifa. Quid de ce SMS envoyé à un ami le soir des faits : « Salut, j’ai frappé avec ton poing américain (…) bah, il est à l’hôpital » ? « J’ai dû vouloir me vanter », explique Esteban Morillo à la barre. Un message d’autant plus embarrassant que les deux hommes démentent fermement avoir utilisé un poing américain ce jour-là. Ce n’est que tard dans la nuit, après avoir passé la soirée au Local, le bar de Serge Ayoub, fondateur du groupuscule d’extrême droite Troisième Voie, que tous apprendront la gravité des blessures de Clément Méric. Le verdict est prévu pour le 14 septembre.