Une colocation pleine de collègues
A mi-chemin entre la colocation et le coworking, le « coliving » nous vient des Etats-Unis
Entre 25 et 35 ans, travaillant dans le numérique ou la communication, aisé, mobile. Voilà le profil type d’un coliver : le client d’une plateforme de coliving. Cette nouvelle tendance a émergé il y a trois ans environ dans les villes de San Francisco et New York, aux Etats-Unis. Une idée simple : partager un bien immobilier à une dizaine, avec des espaces privés allant de la chambre au studio tout équipé, et des espaces communs type salon, bureau, voire salle de sport ou cinéma privé. Le tout géré par une plateforme qui s’occupe de tout l’aspect administratif.
Deux types de coliving se distinguent : une colocation améliorée qui parie sur la qualité de vie, et un prolongement du coworking, où les habitants vivent et travaillent ensemble. Avec deux anciens condisciples de l’Essec, Alexandre Martin a fondé Colonies, à Paris, en 2017. « La qualité de vie est meilleure quand on habite ensemble, explique-t-il. D’abord parce que l’espace est plus grand, ensuite parce que l’on peut partager des services comme le ménage à domicile. » Colonies gère les biens qu’on lui confie, les aménage et sélectionne les colivers qui y vivront. La plateforme leur propose cours de sport, de langue ou pressing, et organise des événements pour créer du lien entre eux. La formule est un peu différente du côté de HackerHouse, créée en 2015 et inspirée par la série américaine « Silicon Valley », où des développeurs vivent ensemble dans une maison. « Nos colivers sont des entrepreneurs, des gens du numérique, des free-lance, etc., détaille Stéphane Bounmy, l’un des fondateurs. L’objectif est de permettre à quelqu’un qui, par exemple, lance une start-up d’échanger avec des gens avec les mêmes problématiques et le même parcours. »
Pour des périodes courtes
Monique Eleb, sociologue spécialiste de l’habitat et coauteure d’Ensemble et séparément, des lieux pour cohabiter, a assisté en mai au colloque « Coliving, le futur de l’habitat ? ». « C’était des jeunes cadres parlant aux jeunes cadres, note-t-elle. J’y vois le risque de cette pratique : l’entre-soi. On habite avec sa classe d’âge et son milieu social. » Autre problème : la porosité entre vie personnelle et vie professionnelle. C’est pourquoi le coliving n’est en fait qu’une solution temporaire, pour des périodes de transition : les colivers restent deux à neuf mois chez HackerHouse, jusqu’à un ou deux ans chez Colonies. Le principe séduit néanmoins et commence à apparaître hors de la capitale : à Marseille, The Babel Community a ouvert ses portes en 2017.
« Le risque de cette pratique, c’est l’entre-soi. » Monique Eleb, sociologue de l’habitat