Stratégique à plus d’un titre, le ministère de l’Intérieur préoccupe l’exécutif
Etre nommé ministre de l’Intérieur, c’est se retrouver à un poste très sensible et très exposé
Si le remaniement, annoncé pour ce mardi ou mercredi, pourrait concerner plusieurs ministères, c’est celui de l’Intérieur, occupé par le Premier ministre depuis le départ de Gérard Collomb le 3 octobre, qui est au coeur des préoccupations d’Emmanuel Macron. A qui le chef de l’Etat va-t-il confier les clés de la Place Beauvau? Le choix est délicat, étant donné le caractère très sensible de ce ministère.
« Tout remonte à Beauvau »
La police et la gendarmerie sont en effet placées sous l’autorité de ce dernier. « Le système policier français est très nationalisé, et la chaîne hiérarchique extrêmement rigide », précise Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). « Tout remonte à Beauvau », confirme Paul Quilès, ministre de l’Intérieur d’avril 1992 à mars 1993 au sein du gouvernement de Pierre Bérégovoy. C’est aussi Place Beauvau que remontent des informations provenant des services de renseignement. « Cela explique pourquoi on n’a jamais eu de technicien pur à ce poste, pas depuis les années 1980 », souligne Mathieu Zagrodzki. Le tandem exécutif préfère y placer un proche. Le ministère de l’Intérieur est aussi très exposé. « En cas de crise terroriste, d’émeutes, d’affaire criminelle majeure, le ministre doit être capable d’expliquer son action aux forces de sécurité et devant les médias, et de faire face aux critiques», rappelle Mathieu Zagrodzki. « Il y a aussi beaucoup de négociations, formelles ou informelles, à gérer avec les syndicats de police», poursuit le chercheur. Selon une étude publiée par le ministère du Travail en 2016, 49 % des agents de police de l’Etat ou de la police municipale sont syndiqués. Paul Quilès insiste pour sa part sur « le sens du commandement » et la capacité à « se faire respecter », cruciaux à ce poste, selon l’ancien locataire de la Place Beauvau.
Enfin, outre les questions de sécurité publique, le ministère de l’Intérieur est aussi en charge de la politique migratoire, des cultes et de l’organisation des élections. Des sujets potentiellement explosifs qui justifient que l’Elysée privilégie souvent le « poids politique » lors de la nomination du ministre de l’Intérieur, insiste Mathieu Zagrodzki. D’autant que ces questions sont d’actualité : Emmanuel Macron veut faire adopter au Parlement une réforme des institutions qui introduirait une dose de proportionnelle, et Edouard Philippe a annoncé que la réflexion de l’exécutif sur la « structuration de l’Islam de France» aboutirait d’ici au début de l’année 2019. Deux épineux dossiers que le ou la remplaçant(e) de Gérard Collomb aura à gérer au cours des prochains mois.