20 Minutes

«La magie a toujours un prix»

A l’occasion de la sortie de la nouvelle mouture de «Charmed», Anne Besson explique comment la représenta­tion de la sorcière a changé

- Propos recueillis par Benjamin Chapon

Pour ses 20 ans, «Charmed» se paie un reboot, diffusé depuis dimanche sur CW aux Etats-Unis. Même chose avec « Les Nouvelles Aventures de Sabrina », disponible le 26 octobre sur Netflix. Anne Besson, qui a dirigé le Dictionnai­re de la fantasy (éd. Vendémiair­e), explique comment la représenta­tion de la sorcière a évolué.

A quel moment est-on passé de la méchante à la gentille sorcière ? Dans la fin des années 1960, avec la montée des religions néopaïenne­s, la figure de la sorcière a retrouvé un pouvoir perçu comme positif. Auparavant, les livres pour enfants véhiculaie­nt une image négative des sorcières héritée des sources de la fantasy que sont les contes de fées. D’anciennes séries télé comme « Charmed » et « Sabrina » font leur retour. Représente­nt-elles un nouvel âge de la figure de la sorcière ?

Pas vraiment. La vraie nouveauté date de la série télé «Ma sorcière bien-aimée » (1964). Samantha y incarne une sorcière qui essaie de renoncer à la magie. Elle ne s’en sert qu’en dernier recours pour le bien de l’ordre familial. Elle s’oppose à la «vieille» sorcière, sa mère.

Les soeurs Halliwell de « Charmed » ont-elles un pouvoir de subversion ?

Un peu. La deuxième soeur épouse un être de lumière et est une figure du bonheur domestique très… lumineux. Mais une autre est amoureuse d’un démon et fait, par son choix amoureux, un pas vers l’assombriss­ement.

Buffy, qui va également avoir un remake, est aussi un personnage sombre amoureux d’un être démoniaque… Oui, mais elle n’est pas une sorcière ! C’est son amie Willow qui en est une. Ce personnage, l’un des premiers à être dans un couple lesbien à la télévision, est symptomati­que de cette tendance à une revitalisa­tion du mythe de la sorcière positive, mais non convention­nelle.

Pourquoi les sorcières inspirente­lles autant d’oeuvres littéraire­s et séries à destinatio­n des adolescent­s ?

La jeune femme qui révèle un pouvoir de sorcière est une ligne d’intrigue très explorée. Il s’agit de raconter la manière dont l’adolescent­e devient une femme, prend connaissan­ce de ses capacités. La sorcière doit donc rentrer dans le rang pour faire une bonne héroïne ? Oui, la sorcière positive amène un désordre dans un ordre mauvais et permet de revenir à un ordre positif. Mais il y a une tendance actuelle à s’écarter de ces conclusion­s mièvres ou convenues. La sorcière est d’autant plus puissante qu’elle est mauvaise. Les sorcières puissantes n’ont pas de barrières morales et usent de la magie à n’importe quel prix. Parce que la magie a toujours un prix. On voit de plus en plus de ces sorcièresl­à, plus adultes, très érotisées. Avoir peur des sorcières, c’est aussi avoir peur de la féminité.

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La comédienne Madeleine Matock dans le reboot de «Charmed».

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