La nature rendue à la vie sauvage
Une association acquiert des terrains qu’elle transforme en réserves naturelles libres de toute exploitation humaine
Une forêt ancienne, des falaises, une rivière qui s’éparpille en rus et alimente mares et étangs… Dans le massif du Vercors, un havre de paix de 490 ha est à vendre. Et l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (Aspas) espère bien en être le nouveau propriétaire (lire l’encadré). Pourquoi? Pour rien. Enfin, pour ne rien y faire, tout juste dévier la chute d’un arbre de sorte à ce que les promeneurs circulent sans encombre. Inutile de préciser que toute autre activité humaine (chasse, pêche, coupes de bois…) sera bannie. Pour le reste, la nature se débrouillera toute seule, selon le principe de la libre évolution : «Elle en est parfaitement capable, du moment qu’on lui laisse le temps, assurent Béatrice Kremer-Cochet et Gilbert Cochet, professeurs agrégés de science naturelle et administrateurs de l’Aspas. Les forêts et bon nombre d’animaux étaient sur Terre bien avant nous et se géraient déjà très bien.»
Cerfs, chamois, chevreuils...
L’Aspas n’en est pas à son coup d’essai. C’est même devenu sa marque de fabrique : transformer les terrains qu’elle achète, ou qu’on lui lègue, en réserves de vie sauvage. Elle en gère déjà quatre (dans la Drôme, les Côtesd’Armor, l’Hérault), soit 700 ha au total. Les animaux apprécient. A la réserve du Grand Barry (la première qui a été ouverte, en 2012), l’Aspas a observé « une riche biodiversité, avec des cerfs, des chamois, des chevreuils…, note Gilbert Cochet. Surtout, on les voit évoluer en pleine journée, alors qu’ils vivent la nuit dans les zones où ils sont chassés. » Les animaux (re)rennent confiance donc. Au point d’être en surpopulation, ce qui donnerait un argument supplémentaire aux chasseurs qui se présentent comme l’un des pivots pour la régulation des espèces ? « La nature sait s’autogérer », insiste Béatrice Kremer-Cochet, qui s’appuie sur l’exemple du canton de Genève, qui n’est pas confronté au problème bien que la chasse y soit interdite depuis quarante ans. L’Aspas en est convaincue, on gagnerait beaucoup à «ré-ensauvager» la France. A ce jour, 1,7% du territoire est sous protection forte, soit « géré selon les niveaux de protection les plus élevés de l’Union internationale pour la conservation de la nature», indique Jean-David Abel, vice-président de France Nature Environnement. Le cap des 2 % aurait déjà dû être atteint, si la France avait tenu ses engagements pris lors du Grenelle de l’environnement (2007). « Mais, depuis la création du parc national des Calanques en 2012, la stratégie de création des aires protégées est en panne », constate Jean-David Abel.