Merkel va passer la main dans son parti et à la chancellerie
Politique La chancelière allemande va lâcher les rênes de son parti, puis de l’Etat
« Mutti » s’en va. Surnommée « maman », la chancelière allemande Angela Merkel a annoncé lundi qu’elle quitterait la présidence de son parti, la CDU, qui doit être renouvelée en décembre. Son mandat actuel de chancelière, démarré en mars, le quatrième depuis son arrivée au pouvoir en 2005, sera «le dernier», a-telle ajouté. Elle a également fermé la porte à une éventuelle poursuite de sa carrière politique au sein des institutions européennes. Des décisions motivées par des revers électoraux et des choix tactiques.
« Il n’est plus possible de faire comme si rien ne s’était passé », a jugé Angela Merkel après l’élection régionale de dimanche en Hesse, qui avait valeur de test de popularité au plan national. Son parti, bien qu’arrivé en tête avec 27 % des votes, y a perdu plus de onze points par rapport au précédent scrutin. Il y a deux semaines, son camp avait déjà enregistré un résultat très décevant lors d’un autre scrutin régional, en Bavière, tandis que l’extrême droite anti-migrants, d’une part, et les écologistes, d’autre part, progressent fortement.
En perte d’autorité
Ce ras-le-bol découle beaucoup des querelles au sein du gouvernement, et notamment du bras de fer sur la politique migratoire entre Angela Merkel et le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, membre de la CSU. Souhaitant un changement de politique migratoire, il a menacé de démissionner, mais a fini par rester. Cet épisode a entamé l’autorité de la chancelière. «Elle a fait des erreurs, elle aurait dû le limoger, estime Ulrich Pfeil, professeur de civilisation allemande à l’université de Lorraine-Metz. Depuis la formation de ce gouvernement, Merkel a chuté dans les sondages, et son parti aussi.»
En laissant la tête de ce dernier à quelqu’un d’autre, «elle espère que la CDU bénéficie d’un coup de jeune et se donne un profil plus net, analyse Hélène Miard-Delacroix, spécialiste de l’Allemagne contemporaine et professeure à la Sorbonne. C’est intelligent tactiquement, d’autant plus que ce scrutin interne était risqué pour elle. Angela Merkel est contestée en interne, par l’aile gauche et l’aile droite du parti. » La chancelière a dit qu’elle irait au bout de son mandat actuel, en 2021, se justifiant par la nécessité de faire preuve de «responsabilité» à la tête du pays, dans un climat mondial et intérieur agité. En annonçant son départ dans deux ans, elle risque toutefois de souffrir d’une perte de crédibilité à l’international, en Europe notamment, mais aussi à l’échelle nationale. «Il faut qu’elle arrive à garder l’autorité du chef de gouvernement, tout en n’étant plus cheffe du parti. Cela va aussi dépendre de la grande coalition, va-t-elle se ressaisir ? » s’interroge Hélène Miard-Delacroix.
En 2019, des élections régionales auront lieu dans quatre Länder. «En cas de nouveau revers pour la CDU, cela peut fragiliser la chancelière et on peut imaginer un départ anticipé », avance Ulrich Pfeil.