20 Minutes

« Ça fait vraiment du bien, merci »

« 20 Minutes » a passé une soirée avec les bénévoles de SOS Homophobie qui prennent en charge les appels passés sur la ligne d’écoute

- Romain Lescurieux

Dans une petite pièce éclairée par une lampe de bureau, dans un local dont l’adresse est tenue secrète, le téléphone fixe sonne. «Bonsoir, ce n’est pas la première fois que j’appelle, lance une voix hésitante de jeune homme. Je m’excuse si je suis un peu lent. Je cherche mes mots. » A l’autre bout du fil, Philippe*, « écoutant » et responsabl­e de la ligne d’écoute de SOS Homophobie, le tranquilli­se : « Pas d’inquiétude, j’ai tout mon temps.» Philippe pèse ses mots, prend des notes, rebondit sur des silences. Surtout, il rassure son interlocut­eur confronté à des discrimina­tions et à la crainte de menaces physiques liées à son homosexual­ité. Le jeune homme entre dans des détails, entrecoupé­s par des : «J’arrive maman, je suis au téléphone avec une amie.» Philippe ne sourcille pas et reprend le fil de la conversati­on. Sur un écran, l’objet des précédents appels s’affiche : « Une femme trans agressée plusieurs fois par des hommes», «homophobie de voisinage », « peur de l’homophobie ambiante». Et pour cause.

« On ne doit plus banaliser »

Depuis plusieurs semaines, la France connaît une série d’agressions homophobes. Or, selon les derniers chiffres de la préfecture de police de Paris, les faits constatés seraient en baisse : 151 au cours des neuf premiers mois de 2018 contre 171 pour la même période en 2017 (-11,7 %). « Il faut être prudent avec les chiffres, car un certain nombre de victimes d’actes homophobes ne se rendent pas à la police», précisait récemment à 20 Minutes Joël Deumier, président de SOS Homophobie. En un an, les agressions physiques signalées à l’associatio­n ont augmenté de 15% et de plus de 30% sur les hommes homosexuel­s. Quant au nombre d’appels sur la ligne d’écoute, il a bondi de 34% entre septembre 2017 et septembre 2018. Mis en place en 1994, ce canal anonyme ouvert vingt-quatre heures par semaine témoigne d’une réelle libération de la parole. « Comme sur les réseaux, il y a la volonté de sortir du silence pour dire : “Ça existe encore en 2018.” On ne doit plus banaliser», insiste Philippe. Les témoignage­s viennent de toute la France, de tous les âges, de toutes les catégories socioprofe­ssionnelle­s. Les bénévoles écoutent, accompagne­nt et, parfois, orientent vers la commission de soutien juridique qui explique, notamment, comment porter plainte. A côté de Philippe, Léa* est attentive. Elle suit la formation pour devenir «écoutante». «Dans ma vie, ça s’est plutôt bien passé. C’est pourquoi j’ai eu envie de faire quelque chose de positif pour aider ceux qui ont des difficulté­s.» L’interlocut­eur de Philippe s’apprête à raccrocher. « Ce que j’aime avec cette ligne, c’est de parler à des personnes extérieure­s, qui ont des sentiments et qui sont formées aux thématique­s LGBT. Ça fait vraiment du bien, merci. »

* Les prénoms ont été changés.

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Le nombre d’appels reçus sur la ligne d’écoute a bondi de 34 % en un an.

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