20 Minutes

« Il y a quoi à cacher ? »

L’ancien arbitre Tony Chapron évoque l’isolement médiatique et sportif des hommes en noir

- Propos recueillis par Bertrand Volpilhac

A la retraite depuis quelques mois, l’ancien arbitre Tony Chapron revient sur sa carrière dans son livre Enfin libre (Arthaud). Il se plaint notamment de la question de la désincarna­tion des arbitres, considérés comme des « pions interchang­eables ».

Dans L’Equipe, vous disiez qu’on entend tout le monde parler d’arbitrage, sauf les arbitres…

On nous l’interdit, ce qui est paradoxal dans un monde hyper médiatisé. Tous les week-ends, tout le monde parle arbitrage avant, après, ou pendant les matchs. Sauf nous. On est dans le fantasme permanent où chacun a sa vérité. Il serait bon que les arbitres puissent exprimer leur position. Comment expliquer que ce ne soit pas le cas ?

Il y a un pouvoir qui s’exerce sur les arbitres : « Vous êtes les outils, vous n’avez pas à vous exprimer.» Les arbitres sont interchang­eables, ils n’ont pas le droit d’avoir un avis, de s’exprimer. Ce sont des pions. Comme on ne veut pas de personnali­té, on les cadenasse complèteme­nt.

Ça vous est déjà arrivé de commenter votre match ? Je l’ai fait une fois, après un OM-Lorient, où on avait fait beaucoup d’erreurs. A la fin, je suis allé m’expliquer. J’ai dit : « On s’est trompé, on ne va pas bien dormir. » L’opinion publique avait dit que c’était « vachement bien d’assumer ». Mais la DTA [Direction technique de l’arbitrage] m’a défoncé.

Vous préconisez de s’inspirer d’autres sports. Au rugby ou au football américain, les arbitres sont munis de micros…

Développon­s cette idée de dialogue, faisons écouter ce qu’il se dit sur le terrain. Il y a quoi à cacher ? Nos faiblesses ? Que les arbitres parlent mal aux joueurs? Aujourd’hui, ça me semble assez improbable, dans la mesure où tout est filmé et que Canal+ s’amuse à retranscri­re les dialogues.

La libération de la parole est aussi quelque chose de personnel. Y a-t-il un suivi psychologi­que des arbitres ?

Non, il n’y a rien. Le syndicat des arbitres a mis en place quelque chose, mais pas la Fédération. Ça prouve la place de l’arbitre dans l’institutio­n : on se soucie peu de son bien-être, de sa psychologi­e. Le mal est profond.

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Tony Chapron est à la retraite.

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