«J’ai régressé en permanence»
Présidente de Fibromyalgie France, Carole Robert a dû s’adapter à une maladie changeante
Il existe autant de handicaps que de personnes handicapées, et peut-être même plus encore. Pour les personnes atteintes de maladies chroniques évolutives (MCE), le handicap peut revêtir plusieurs formes au fil des années. Carole Robert, touchée par l’une d’entre elles, et présidente de l’association Fibromyalgie France, intervient auprès des entreprises pour faire part de son expérience.
Quelle est la nature de votre handicap, la fibromyalgie ? C’est une maladie qui se caractérise par des douleurs qui fluctuent dans le
temps, changent de localisation et en intensité. Cela s’accompagne d’une fatigue chronique importante. On me l’a diagnostiquée il y a vingt ans. Quelles ont été ses conséquences ?
Je ne pouvais plus m’occuper de mes enfants, jouer avec eux, et je ne savais pas ce que j’avais à l’époque. Quand on a des enfants, on fonce. Mais, dans la rue, je devais m’arrêter pour m’asseoir sur le trottoir, sans aucune force pour marcher. Je n’avais plus de vie sociale. Je n’avais assez d’énergie que pour le travail; il faut bien gagner sa vie. Pourtant, vous avez continué…
Avec une maladie chronique, c’est très difficile de se maintenir dans l’emploi. Au départ, je travaillais au gouvernement comme déléguée auprès du Premier ministre. Je me suis dit : «Je suis en train de perdre de plus en plus de force. » J’ai régressé en permanence, j’ai demandé des postes avec de moins en moins de responsabilités. Je savais que je n’assumerais pas, physiquement parlant. Je suis devenue adjointe administrative dans la fonction publique, en université. C’est difficile d’expliquer les MCE. La maladie a un impact sur du très long terme. On glisse vers quelque chose de plus en plus lent. Le fait d’être à un poste en relation avec le public demandait tellement de concentration que je n’y parvenais plus. La fibromyalgie s’accompagne de troubles cognitifs. Parfois, quand on me posait une question, j’avais un grand blanc : «Qu’est-ce qu’on me demande?» Comment parveniez-vous à rester opérationnelle ?
J’ai passé tous mes week-ends couchée, pour être capable de travailler le lundi. Parfois je me couchais autour des WC, je savais qu’on n’irait pas me chercher là. Avec du recul, je me dis que c’est pathétique d’en arriver là. Quand j’ai obtenu un poste avec un bureau fermé à clé, je m’allongeais sur la moquette pendant une heure. Mais, à moins d’être marié à quelqu’un qui accepte que vous ne travailliez pas, l’emploi, c’est l’indépendance.
« J’ai passé tous mes week-ends couchée, pour être capable de travailler le lundi.»