La voiture comme seule voie
Faute d’autres moyens de transport, l’automobile demeure incontournable dans des zones rurales et périurbaines, regrettent leurs maires. D’où la colère des « gilets jaunes ».
Pas de « gilets jaunes » au parc des expositions, mardi, Porte de Versaillles à Paris, lors du lancement du 101e congrès des maires de France. Seul le président du conseil départemental d’Eure-et-Loir, d’un coup de gueule au micro, ose l’allusion. «Sachez qu’on ne sortira de nos problèmes qu’en les résolvant d’en bas, et pas d’en haut. Les “gilets jaunes” nous ont donné l’exemple.» Applaudissements polis, l’animateur enchaîne. La mobilisation contre le prix des carburants est pourtant dans la tête de nombreux édiles. Notamment ceux venus de la «France périphérique». « Mes habitants sont en colère, car tout est fait pour que les ruraux soient oubliés, soupire Gilles Bosseboeuf, maire de Champagné-Saint-Hilaire (Vienne). Ma commune rassemble 63 hameaux sur 47 km2. Quand j’étais jeune, je prenais le bus pour aller au lycée, mais les arrêts ont été supprimés. Aujourd’hui, on n’a pas de gare, pas de bus. On fait tout en voiture. » Selon les données de l’Observatoire des mobilités émergentes*, révélées par Le Monde, 67 % des automobilistes déclarent « ne pas avoir la possibilité de choisir leur mode de déplacement». Mais cette absence de choix augmente à mesure qu’on s’éloigne des centres urbains, pour atteindre 83 % dans les communes rurales isolées.
« Revenir aux carrioles ? »
« Nos habitants font près de 50 km pour aller travailler, au Mans, à Blois, indique Solange Vanier, adjointe à Savigny-sur-Braye (Loir-et-Cher). L’augmentation des taxes entame largement leur budget d’autant que, chez nos jeunes familles, tous ne travaillent pas au même endroit, il y a donc parfois deux voitures. A force, le prix des carburants va être un frein pour ceux qui viennent s’installer en campagne, ou même provoquer des déménagements. »
Les élus dénoncent aussi des territoires touchés par la désertification médicale, le recul des services publics ou la mort des commerces de proximité. «Pour la Poste, on doit prendre la voiture, et aussi pour la boulangerie, l’école, le travail… illustre Michelle Bargues, élue de Mayrinhac-Lentour (Lot). Ceux qui décident des lois devraient sortir de Paris. C’est bien beau de nous dire : “N’utilisez pas votre voiture”, mais, à moins de revenir aux chevaux et à la carriole, on fait comment?» Patricia Hild, maire de Bennwihr, dans le Haut-Rhin, comprend qu’il faille « changer nos modes de déplacements, mais le gouvernement est allé trop rapidement, de manière trop excessive». La France devrait, selon elle, s’inspirer de ses voisins, «en développant le réseau de pistes cyclables, et les lignes de bus périurbains. »
* Résultats du troisième Observatoire des mobilités émergentes réalisé par l’agence Chronos et l’Observatoire société et consommation (ObSoCo).