20 Minutes

La voiture comme seule voie

Faute d’autres moyens de transport, l’automobile demeure incontourn­able dans des zones rurales et périurbain­es, regrettent leurs maires. D’où la colère des « gilets jaunes ».

- Thibaut Le Gal

Pas de « gilets jaunes » au parc des exposition­s, mardi, Porte de Versaillle­s à Paris, lors du lancement du 101e congrès des maires de France. Seul le président du conseil départemen­tal d’Eure-et-Loir, d’un coup de gueule au micro, ose l’allusion. «Sachez qu’on ne sortira de nos problèmes qu’en les résolvant d’en bas, et pas d’en haut. Les “gilets jaunes” nous ont donné l’exemple.» Applaudiss­ements polis, l’animateur enchaîne. La mobilisati­on contre le prix des carburants est pourtant dans la tête de nombreux édiles. Notamment ceux venus de la «France périphériq­ue». « Mes habitants sont en colère, car tout est fait pour que les ruraux soient oubliés, soupire Gilles Bosseboeuf, maire de Champagné-Saint-Hilaire (Vienne). Ma commune rassemble 63 hameaux sur 47 km2. Quand j’étais jeune, je prenais le bus pour aller au lycée, mais les arrêts ont été supprimés. Aujourd’hui, on n’a pas de gare, pas de bus. On fait tout en voiture. » Selon les données de l’Observatoi­re des mobilités émergentes*, révélées par Le Monde, 67 % des automobili­stes déclarent « ne pas avoir la possibilit­é de choisir leur mode de déplacemen­t». Mais cette absence de choix augmente à mesure qu’on s’éloigne des centres urbains, pour atteindre 83 % dans les communes rurales isolées.

« Revenir aux carrioles ? »

« Nos habitants font près de 50 km pour aller travailler, au Mans, à Blois, indique Solange Vanier, adjointe à Savigny-sur-Braye (Loir-et-Cher). L’augmentati­on des taxes entame largement leur budget d’autant que, chez nos jeunes familles, tous ne travaillen­t pas au même endroit, il y a donc parfois deux voitures. A force, le prix des carburants va être un frein pour ceux qui viennent s’installer en campagne, ou même provoquer des déménageme­nts. »

Les élus dénoncent aussi des territoire­s touchés par la désertific­ation médicale, le recul des services publics ou la mort des commerces de proximité. «Pour la Poste, on doit prendre la voiture, et aussi pour la boulangeri­e, l’école, le travail… illustre Michelle Bargues, élue de Mayrinhac-Lentour (Lot). Ceux qui décident des lois devraient sortir de Paris. C’est bien beau de nous dire : “N’utilisez pas votre voiture”, mais, à moins de revenir aux chevaux et à la carriole, on fait comment?» Patricia Hild, maire de Bennwihr, dans le Haut-Rhin, comprend qu’il faille « changer nos modes de déplacemen­ts, mais le gouverneme­nt est allé trop rapidement, de manière trop excessive». La France devrait, selon elle, s’inspirer de ses voisins, «en développan­t le réseau de pistes cyclables, et les lignes de bus périurbain­s. »

* Résultats du troisième Observatoi­re des mobilités émergentes réalisé par l’agence Chronos et l’Observatoi­re société et consommati­on (ObSoCo).

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Plus on s’éloigne des centres urbains, plus la voiture est incontourn­able.

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