20 Minutes

Un changement d’art d’art

«Naissance de la sculpture gothique» explore le basculemen­t soudain entre roman et gothique au siècle

- Benjamin Chapon

«Tout s’est joué en quinze ans. Tout a basculé!» On nous parle pourtant d’un temps que les moins de 900 ans ne peuvent pas connaître. Mais les pierres, elles, parlent. L’exposition « Naissance de la sculpture gothique », jusqu’au 21 janvier au musée de Cluny à Paris (5e), retrace ainsi la courte période, entre 1135 et 1150, durant laquelle le monde occidental, à commencer par la région située entre Chartres et Saint-Denis, bascule de l’art roman à l’art gothique.

«Expressivi­té des visages»

« Nous avons voulu rendre cette histoire très concrète », explique le commissair­e Damien Berné. Savante mais rendue accessible par l’extrême beauté des sculptures, l’exposition raconte comment les abbés des cathédrale­s de Chartres et SaintDenis, notamment, se sont livrés à une compétitio­n et une surenchère stylistiqu­es qui ont abouti à l’émergence d’un art nouveau. Cet art naît certes autour de Paris et du siège d’une royauté encore loin d’être absolue, mais il ne faut pas y voir une volonté politique, selon Damien Berné : « C’est un phénomène culturel plutôt que politique. On délaisse l’image romane, figée, hors du temps. Et on entre dans l’histoire, dans le temps humain, avec l’art gothique, véhiculé par un style en rupture.» Plutôt que dans l’architectu­re monumental­e, c’est bien dans la sculpture que se dessine ce virage artistique. L’exposition met en avant non seulement les chapiteaux mais surtout les statues-colonnes, qui nouent un dialogue avec les visiteurs. « L’expressivi­té des visages permet l’identifica­tion, explique Damien Berné. Ces sculptures très stylisées et plus vivantes, qui semblent s’approcher de

nous et faire bouger le froissé de leurs habits, ont eu un succès fulgurant. On voit cet art se développer parce qu’il touche les aspiration­s des gens et a, chez eux, des répercussi­ons intimes. » Voilà pourquoi, sans doute, ces sculptures touchent, aujourd’hui encore, les visiteurs. L’exposition réunit par ailleurs pour la première fois l’intégralit­é des chapiteaux du cloître de Saint-Denis. Il fallait bien cela pour attirer un large public, comme l’espère Damien Berné : « Nos visiteurs viennent voir “Magiques licornes” à l’étage. Il faut espérer qu’ils feront ensuite le détour vers cette exposition qui raconte un moment crucial de l’histoire de l’art. »

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Un chapiteau double du cloître de l’abbaye de Saint-Denis.

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