« Aujourd’hui encore, on me trouve sur Pornhub »
Deux acteurs témoignent de leur situation, deux ans après la polémique sur la websérie
Ce jour-là, Jonathan arrive en avance au rendez-vous. Il hèle le serveur à l’autre bout du bar pour commander un café, tout en s’excusant : «Je suis d’accord pour témoigner. Mais je n’ai pas beaucoup de temps. En fait, je dois filer à un casting…» balance-t-il. A l’autre bout de la table, Frédéric* esquisse un sourire un peu triste. Lui n’a pas de casting. « Tout le monde n’a pas ta chance, finit-il par réagir. Pas de souci pour te laisser parler d’abord.» Parmi les premiers à dénoncer le tournage douteux de la websérie « Les Faucons », en 2016, et l’attitude trouble de son producteur, Jean-Marc Morandini, ces deux jeunes acteurs ont, depuis, suivi des trajectoires différentes. Le premier, Jonathan Louis, a travaillé avec François-Xavier Demaison au Théâtre de l’OEuvre, avec le producteur du « Bureau des légendes », et a décroché un rôle dans le premier film de Michel Denisot. Frédéric, lui, se contente de figuration dans une société qui fait des spectacles pour enfants.
« Je veux qu’il soit jugé »
« Le problème, c’est que Morandini m’avait proposé le rôle principal des « Faucons », explique celui-ci. Et ce n’est qu’au quatrième épisode qu’on s’est rendu compte que ça virait au porno gay. Ça a clashé! Mais c’était trop tard. Les images étaient déjà sur Internet. Pendant longtemps, il suffisait de taper mon nom dans un moteur de recherches pour voir mon sexe. Aujourd’hui encore, on me trouve sur le site pornographique Pornhub ! » Agé de 26 ans aujourd’hui, le comédien explique qu’il a donc passé plus de temps, ces dernières années, à écrire à Google pour effacer les moindres traces des « Faucons » qu’à répondre à des offres de casting. «Je n’en ai parlé à quasiment personne…» Jonathan, lui, a opté pour une stratégie opposée. Dès le début, c’est sous son vrai nom qu’il dénonce Jean-Marc Morandini. « J’ai reçu beaucoup de soutien de la profession. Lors des castings, on m’a encouragé à nettoyer le sale visage qu’il avait montré du métier. Je dirais même que cela m’a plus servi que desservi, au final.» Pas de quoi atténuer sa rancoeur pour autant. «Je vais continuer à me battre pour qu’il soit jugé. » Frédéric aussi. « Je me sens toujours sali. Dès que je le vois à la télé, j’ai des frissons. Je veux qu’il y ait un procès (lire ci-dessous). Je réfléchirai alors à l’idée de montrer mon visage.» Vincent Vantighem
* Le prénom a été changé.