20 Minutes

Un peu fou, mais surtout triste

Un étrange sentiment se dégage du procès en appel de Jawad Bendaoud, le « logeur de Daesh », commencé il y a deux semaines

- Vincent Vantighem

Le président venait de suspendre l’audience de mercredi dans une relative torpeur. Et chacun semblait se satisfaire qu’elle se fût, cette fois, déroulée sans heurts ni insultes. C’est alors qu’une avocate des parties civiles traversa la salle des pas perdus, sa cliente en pleurs sous le bras. « Jawad [Bendaoud] vient de la menacer de mort.» En entendant cela, Xavier Noguéras, l’avocat du trentenair­e jugé en appel depuis deux semaines par le tribunal correction­nel de Paris pour avoir logé deux djihadiste­s du 13-Novembre, écarquilla les yeux. « Les gendarmes étaient présents et n’ont pas daigné intervenir ! » Impossible de savoir qui dit vrai. Mais l’épisode illustre à quel point ce procès rend fou tous ceux qui s’en approchent. Dont Sarah Z.

Mercredi, cette serveuse dans un restaurant proche du Stade de France a raconté comment elle avait été soufflée par l’explosion de l’un des kamikazes. « Tous les matins, je me lève et je vois la cicatrice sur mon front. Je vois les 18 impacts de boulons sur mon corps. Ne laissez pas en liberté les personnes comme ça!»

Des visions irréconcil­iables

Sur un banc, juste à côté, Jawad Bendaoud n’a sans doute pas compris que la victime parlait de lui à travers le pronom « ça ». Quand bien même, il aurait sans doute répété qu’il n’a rien à voir avec ces «bâtards de terro» et qu’il ignorait que les deux personnes qu’il a hébergées dans son squat, pour «50 balles», étaient deux des djihadiste­s ayant ensanglant­é la France quatre jours plus tôt. Les visions de Sarah Z. – comme de toutes les victimes – et de Jawad Bendaoud sont forcément irréconcil­iables. Le prévenu rappelle à l’envi que rien, dans le dossier, ne prouve qu’il était de mèche avec les terroriste­s. Et qu’il use pour cela des « wesh » et des « nanani» n’y change rien. Chose rare, la semaine dernière, il s’en est excusé auprès de l’avocate générale qu’il houspillai­t. « Moi, j’ai déjà passé vingtsept mois à l’isolement en prison. Cela m’a rendu fou (…) Je joue ma vie ici. Vous, ce soir, vous allez retrouver votre mari comme si de rien n’était… » Le soir, Jawad Bendaoud, lui, passe son temps à se filmer. Et le seul être vivant qu’il retrouve, c’est son chien. Trois ans après les attentats, c’est un sentiment de tristesse qui se dégage de cette affaire. Les avocats et les caméras ont déserté le tribunal. Même Georges Salines, fondateur de l’une des principale­s associatio­ns de victimes du Bataclan, ne s’est pas présenté, mercredi, pour témoigner. « Personne ne m’avait prévenu, se défend-il auprès de 20 Minutes. De toute façon, moi, c’est le prochain procès qui m’intéresse [celui de Salah Abdeslam, le seul survivant des commandos du 13-Novembre]. » Comme si Jawad Bendaoud, qui encourt une peine de six ans de prison, n’avait déjà plus d’importance.

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Jawad Bendaoud, le 22 novembre, au deuxième jour de son procès en appel.

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