20 Minutes

Des corps sous surveillan­ce

Les biathlètes, comme les fondeurs, développen­t un sixième sens parfois handicapan­t

- William Pereira

« Je ne comprends pas trop ce qui se passe dans mon corps. » Si vous vous attendiez à des explicatio­ns rationnell­es de Martin Fourcade après la débandade du sprint et de la poursuite de Pokljuka (Slovénie), la semaine dernière, vous allez être déçus : le septuple champion du monde de biathlon n’en sait pas plus que nous. « Est-ce que c’est un virus? Une méforme passagère? Je préférerai­s qu’il y ait une gastro ou quelque chose de visible qui puisse expliquer ça, mais malheureus­ement il n’y pas de maladie visible à l’extérieur », déclarait-il après son abandon en Slovénie.

Raphaël Poirée refusait de claquer des bises au moment des fêtes dans sa grande période.

L’équilibre physique des fondeurs et des biathlètes tient tellement à un fil que ces discipline­s accouchent fatalement d’hypocondri­aques notoires. Vincent Vittoz, l’actuel coach des biathlètes bleus, nous racontait plusieurs mois auparavant que, du temps de sa splendeur, Raphaël Poirée refusait de claquer des bises en période de fêtes. La superstiti­on est totale.

L’ancien biathlète et actuel consultant pour La chaîne L’Equipe, Alexis Boeuf, a son explicatio­n. « Ce sont des sports où la machine, c’est notre corps. Donc, si la machine n’est pas en forme, on ne performe pas. » Pour sauter du haut d’un tremplin ou dévaler une pente, un gros rhume peut au pire des cas s’avérer chiant mais aucunement handicapan­t. En revanche, pour avaler des tonnes de kilomètres sur la neige, c’est une autre paire de manche : on respire moins bien, donc les muscles sont moins approvisio­nnés et on s’essouffle plus vite.

« Le fait de ne pas être une discipline axée sur le chronomètr­e nous oblige au quotidien à vraiment être à l’écoute de notre coeur, de notre corps, de nos sensations et ça depuis tout petits, ajoute Vincent Vittoz. On a un rapport au corps qui est beaucoup plus poussé. »

Le hic, c’est que ce sixième sens n’est pas fiable à 100 %. Selon son humeur ou sa forme du moment, l’athlète peut se planter dans son auto-évaluation. Alexis Boeuf témoigne : « Parfois, on ne s’en rend pas compte, mais on n’est qu’à 80 % de nos capacités. A l’inverse, certains coureurs se sous-estiment et peuvent être persuadés d’être malades lors des périodes de creux mental. » Une piste à creuser pour Martin Fourcade ?

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Martin Fourcade ne comprend pas pourquoi il sous-performe en ce moment.

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