20 Minutes

Vous avez un message (automatiqu­e)

Gmail suggère des réponses aux e-mails grâce à l’intelligen­ce artificiel­le. Un avant-goût du futur

- Laure Beaudonnet

« Bien reçu », « c’est noté », « merci beaucoup »… C’est laconique mais efficace, et plutôt pertinent. Depuis plusieurs mois, les utilisateu­rs de Gmail ont l’étrange sensation d’être épiés par un petit curieux qui s’amuse à lire le moindre e-mail depuis son canapé virtuel. Aidée par une intelligen­ce artificiel­le, la messagerie de Google propose trois réponses toutes faites à chacun de nos messages, elle termine la fin de nos phrases en pleine rédaction, et elle nous rappelle de répondre à nos messages. Plus besoin de réfléchir, la machine le fait pour nous. «Smart Reply [réponse intelligen­te] utilise l’apprentiss­age automatiqu­e pour donner des réponses de plus en plus pertinente­s à mesure que vous l’utilisez», expliquait Google en 2017. A mi-chemin entre un assistant et un double numérique, la technologi­e a tout l’air de connaître le contenu de nos échanges privés. Pire, elle n’a pas l’air de s’en cacher. «A partir du moment où on confie à un opérateur privé nos messages, il peut certaineme­nt y avoir accès, mais on n’imagine pas qu’une personne soit derrière, parce que ce serait trop coûteux, répond d’un air amusé Jean-Gabriel Ganascia, chercheur en intelligen­ce artificiel­le, président du comité d’éthique du CNRS. Ce n’est pas une intrusion dans la vie individuel­le dans le sens où c’est traité en masse. » Google confirme : « Nous ne lisons pas les e-mails de nos utilisateu­rs ». Pour l’heure, l’algorithme du géant du Web ne va pas chercher très loin, les réponses restant assez sommaires (« d’accord », « c’est noté », « à bientôt»). Mais elle donne un avant-goût de ce qui nous attend à l’ère de l’intelligen­ce artificiel­le. Au revoir la prise de tête administra­tive, bonjour l’organisati­on intelligen­te des e-mails et l’écriture automatisé­e. La messagerie ne fait encore que suggérer, et les plus agacés peuvent désactiver la fonction dans les paramètres. « J’ai du mal à imaginer qu’un jour, il y ait une substituti­on, estime Jean-Gabriel Ganascia. L’expérience montre qu’il faut voir l’intelligen­ce artificiel­le comme un partenaire. » On écrira moins, mais on passera peut-être plus de temps sur les choses importante­s. « L’intelligen­ce artificiel­le aura un grand effet sur les lettres profession­nelles, elles seront préécrites, poursuit JeanGabrie­l Ganascia. En revanche, la correspond­ance privée, je ne pense pas. C’est un peu la même chose qu’avec les agents conversati­onnels, ça peut marcher tant que la sémantique est sans ambiguïtés ni jeu de mots. » Mais dans la vie de tous les jours, on joue sur le double sens des mots, ce qui est très difficile à imiter pour une machine.

Plus besoin de réfléchir, la machine le fait pour nous.

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Pour le moment, la messagerie de Google fait des propositio­ns simples.

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