Un futur au moins-que-parfait
Les années 2020 démarrent et font un clin d’oeil au passé. Cent ans plus tard, les Années folles repointent le bout de leur nez. Des «roaring twenties» (les années 1920 rugissantes), portées par une euphorie créatrice et une croyance quasi fanatique en la révolution industrielle, nous entrons dans les « worrying twenties» (les années 2020 inquiétantes), comme les a baptisées la grande étude d’Ipsos Trend Obs 2020.
Face à une société de plus en plus préoccupée par l’urgence climatique, aveuglée par la révolution numérique et gangrenée par les désordres mentaux en tous genres (anxiété, burn-out, dépression, addictions…), le parallèle avec les années 1920 est presque trop évident. Les Années folles sont de retour! Mais la folie a changé de visage. L’extravagance et la légèreté d’une époque éprouvée par la Grande Guerre reviennent sous la forme du désenchantement et de l’affliction avec, en toile de fond, le fantasme de l’apocalypse.
Que peut-on espérer pour la prochaine décennie? Assez peu de choses positives, à en croire les gros titres de la presse. L’année 2019 a donné un avant-goût inquiétant de ce qui nous attend dans les années à venir : catastrophes environnementales, immobilisme des Etats devant la crise climatique... Virginie Raisson, autrice de 2038, les Futurs du monde (éd. Robert Laffont), passe en revue les signaux faibles qui dessinent déjà le monde de demain.
Une population vieillissante (la poisse). « Sur le plan démographique, le vieillissement constitue la tendance la plus importante du futur. A partir du moment où une population vieillit, le nombre de personnes atteintes de maladies neurodégénératives et de cancers augmente et, avec elles, le nombre de personnes dépendantes. Or, leur prise en charge soulève un problème de main-d’oeuvre disponible pour les accompagner, et de répartition des ressources publiques pour leurs soins. »
La révolte d’une jeunesse qui n’a plus rien à perdre. «Imaginons que j’aie vingt ans. Tous les jours, j’entends que le monde doit s’effondrer avant 2050 pour cause de faillite écologique et climatique. On me dit que les “boomers” prélèveront de plus en plus dans ma cagnotte pour financer leur retraite.
Mais je dois être solidaire et faire des efforts, alors que ceux qui programment ces concessions n’en font aucune… On ne peut écarter l’hypothèse que des mouvements de rébellion sociétale se développent. »
La pression migratoire (merci le réchauffement climatique). « A mesure que le nombre de personnes en âge de travailler diminuera en Europe, alors qu’il augmentera dans les pays les plus touchés par le réchauffement climatique au sud de la Méditerranée, la pression migratoire devrait sensiblement augmenter. Où pourront se réfugier la part des 55 millions d’habitants qui vivent dans le delta du Nil?
Les Européens auraient tort de croire qu’ils pourront régler le problème en se limitant à ajouter quelques bateaux sur la Méditerranée.»
Un autre régime alimentaire. «Après des décennies de croissance, l’humanité a fini par atteindre les limites planétaires. On peut penser que, d’ici à vingt ans, notre alimentation sera moins carnée et qu’elle s’appuiera sur des productions locales. La surpêche limitera la consommation de poisson. De là à penser que nous mangerons tous des insectes… Rien n’est moins sûr, car les représentations culturelles sont les plus longues à modifier. »
La réinvention de la vie locale (enfin du positif). « D’autres tendances beaucoup plus positives sont déjà perceptibles à plus petite échelle. On peut citer la résurgence de systèmes d’entraide et de solidarité de quartiers, de communautés ou de villages ; l’engagement citoyen accru ; le partage de trajets, d’objets, de logements ou de jardins qui substitue l’usage à la propriété ; la progression du recyclage... »
« Nous ne mangerons pas forcément tous des insectes. »