Une plainte contre Didier Lallement
Violences policières Deux « gilets jaunes » remettent en cause la stratégie du maintien de l’ordre du préfet de police de Paris en novembre
Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a-t-il engendré, par ses choix en matière de maintien de l’ordre, un climat de tension propice à l’émergence de violences lors de la manifestation organisée pour le premier anniversaire des «gilets jaunes» à Paris? C’est ce que soutiennent deux figures du mouvement, Priscillia Ludosky et Faouzi Lellouche, qui ont porté plainte, jeudi, contre le haut fonctionnaire notamment pour mise en danger d’autrui et atteinte à la liberté individuelle par une personne dépositaire de l’autorité publique. «On a assisté ce jour-là à un triste condensé des méthodes de maintien de l’ordre par la préfecture de police », a déploré la jeune femme lors d’une conférence de presse organisée par l’Observatoire parisien des libertés publiques. Samedi 16 novembre, la manifestation-anniversaire, dûment déclarée, doit se dérouler en deux temps : un rassemblement à 10 h sur la place d’Italie, puis le départ du cortège, à 14 h, en direction du 10e arrondissement. Dès la fin de matinée, les premières dégradations sont constatées, un incendie éclate au centre de la place, les pompiers peinent à y accéder. Selon les plaignants, ces violences auraient été favorisées par l’absence de dispositif policier adapté.
Aucun arrêté pris
Vers 13 h, lorsque Priscillia Ludosky tente d’accéder à la place d’Italie, tous les axes sont bloqués alors que la manifestation est censée s’élancer une heure plus tard. Faouzi Lellouche, qui est sur place, peine à obtenir des informations. Il explique avoir reçu un premier appel à 13h17 lui indiquant que la «manifestation serait apparemment interdite», avant d’en avoir la confirmation à 14h27. A 15 h, le préfet Lallement confirme que, en raison des «risques de violence», la manifestation est interdite et «fixée» sur la place d’Italie… mais ne prend aucun arrêté en ce sens. Cette stratégie a-telle permis de contenir les violences, comme l’affirme la préfecture, ou, au contraire, les a-t-elles attisées, comme le soutiennent les «gilets jaunes»? Toute l’après-midi, plusieurs centaines de manifestants sont nassés sur la place alors que de violents affrontements opposent, au même endroit, des black blocs et des policiers. Si la préfecture indique que des couloirs de sortie ont été ouverts pour les manifestants, de nombreux témoignages affirment l’inverse.
Ce jour-là, Manuel, un «gilet jaune» de Valenciennes, sera éborgné par un tir de grenade lacrymogène alors qu’il discutait avec des amis en attendant de pouvoir quitter les lieux.
«Il y a un débat nécessaire à avoir sur les méthodes que déploie Didier Lallement pour maintenir l’ordre», insiste Guillaume Martine, l’avocat des plaignants. Si la plainte est centrée sur cette manifestation, le débat porte sur la doctrine de maintien de l’ordre actuellement en oeuvre à Paris et régulièrement critiquée. «Si l’enquête conclut que nasser des personnes sur une place pendant des heures est une infraction, il faudra bien modifier les méthodes», insiste le conseil.