«Rendre la transidentité visible change les mentalités»
Le réalisateur Sébastien Lifshitz a filmé une «Petite Fille» dans un corps de garçon pour son documentaire
Depuis qu’elle a 3 ans, Sasha sait qu’elle est une fille, bien qu’elle soit née dans le corps d’un garçon. « Petite Fille », documentaire de Sébastien Lifshitz, disponible sur Arte ce mercredi, explore sa lutte et celle de sa famille pour faire comprendre sa différence. Le réalisateur a filmé Sasha et son entourage pendant un an en 2018, alors que la fillette avait 7 ans.
Comment avez-vous trouvé Sasha ?
Sur Internet, sur un forum où se retrouvent des familles d’enfants transgenres. Ces parents sont souvent démunis, ne sachant pas à qui s’adresser pour se faire aider. C’était le cas de Karine, la maman de Sasha.
Pourquoi les choses sont-elles si compliquées pour ces familles ?
La dysphorie, terme scientifique pour la transidentité, n’est pas encore très connue, bien que je pense qu’elle touche plus de gens qu’on pourrait le croire. Les familles sont livrées à elles-mêmes avec des médecins de famille qui admettent être incompétents pour les aider et des institutions qui se montrent hostiles par ignorance.
Comment s’est passé le tournage ?
On peut dire qu’on s’est trouvés! La confiance réciproque était indispensable pour tourner un documentaire filmé au plus près de Sasha et des siens. Le fait de réaliser un documentaire ne veut pas dire qu’on n’a pas de point de vue. Sasha et sa famille ont bien compris qu’ils n’étaient pas un sujet pour moi, mais que j’allais partager leur vie. Ils ont senti l’amour et l’empathie que toute l’équipe avait à leur égard. Sasha était-elle consciente du fait qu’elle allait connaître une certaine célébrité ? Absolument ! Elle a fait le film pour s’aider, mais aussi pour aider les autres. La différence rend combatif, parce qu’on n’a pas d’autre choix pour survivre. Pour Sasha, les ennemis viennent de l’extérieur et elle sait que chaque bataille gagnée sera suivie par une autre. Elle a un courage admirable. A qui est destiné votre film ?
A tout le monde. C’est en rendant la transidentité visible qu’on peut changer les mentalités et elles commencent à évoluer. Même s’il reste du travail, les nouvelles générations considèrent le genre de façon plus fluide, en refusant les injonctions de la société. Sasha, qui est aujourd’hui une ravissante petite fille de 10 ans acceptée comme telle dans son école, en est un bel exemple.