« Les espèces invasives » font tiquer l’économie
Des chercheurs pointent le montant énorme de la facture laissé par les «espèces invasives»
Près de 140 milliards d’euros en 2017. Le coût économique engendré par les espèces exotiques envahissantes, appelées aussi «espèces invasives», est gigantesque, pointent des scientifiques du CNRS, de l’Institut de recherche pour le développement et du Museum national d’histoire naturelle, dans une étude publiée mercredi dans Nature. Et ces 140 milliards ne sont que pour 2017. Depuis 1970, les pertes économiques liées aux espèces envahissantes s’élèvent à 1 100 milliards d’euros dans le monde.
Ces espèces exotiques ont un impact sur la santé, le tourisme et l’immobiler.
Par espèces exotiques, «on entend toutes celles introduites par l’homme, volontairement ou non, dans un milieu où elles n’avaient jamais vécu jusque-là, définit Franck Courchamp, directeur de recherches au CNRS et écologue, coauteur de l’étude. Leur nombre est estimé à 14000 en Europe, certaines estimations hautes évoquant 20000.» Beaucoup ne s’adaptent pas à leur nouveau milieu. Certaines deviennent même nuisibles, au point d’entraîner des extinctions d’espèces et/ou de causer d’importants dégâts. Le moustique tigre, venu d’Asie du Sud-Est et présent désormais dans une centaine de pays sur les cinq continents, est sans doute le cas le plus connu. Mais c’est aussi la fourmi de feu aux Etats-Unis, la moule zébrée dans les grands lacs canadiens, l’ambroisie en Europe de l’Ouest… On pourrait continuer la liste encore longtemps.
Leurs coûts sont déjà sanitaires. Les maladies létales portées par des insectes vecteurs, comme la dengue ou le chikungunya, transmises par le moustique tigre, entraînent chaque année des dizaines de milliers de morts et des millions d’hospitalisations. Les secteurs de l’agriculture, de la pêche, de l’exploitation forestière sont aussi touchés de plein fouet. « Rien que pour le longicorne asiatique, un coléoptère [originaire de Chine ou de Corée] qui détruit les forêts aux Etats-Unis et arrive en Europe, le coût s’élève à 34 milliards d’euros sur les vingt dernières années », illustre Franck Courchamp. Ces espèces invasives peuvent aussi impacter le tourisme et déprécier des biens immobiliers. A l’instar de la grenouille coqui, arrivée sur l’île d’Hawaï et dont le chant perçant agace les riverains. D’autres causent d’importants dégâts sur les infrastructures. C’est le cas des moules zébrées dans les grands lacs canadiens, qui obstruent et endommagent les canalisations sous-marines. Une nouvelle fois, on pourrait continuer longtemps la liste des dégâts.
Une certitude : ces coûts économiques vont croissant à mesure que les échanges internationaux et le réchauffement climatique s’intensifient. Autre certitude, pointée pour les chercheurs : « Les montants investis dans la prévention, la surveillance et la lutte contre la propagation de ces espèces invasives restent marginaux en comparaison des dégâts qu’elles peuvent engendrer une fois parvenues à s’établir sur un territoire. »