20 Minutes

On ne choisit plus son conjoint comme il y a cent ans

Le chercheur Sébastien Grobon explique l’évolution, depuis le début du XXe siècle, de l’avis des parents sur le conjoint de leur enfant

- Propos recueillis par Coraline Mercier

Jamais facile de se faire accepter par belle-maman et beau-papa. Mais cela a-t-il toujours été le cas? Dans une étude de l’Institut national d’études démographi­ques publiée mercredi, Sébastien Gribon, chercheur au Centre d’économie de la Sorbonne, et coauteur de ces travaux, s’intéresse au regard et au poids que peuvent avoir les parents dans le choix du conjoint de leur enfant, depuis le début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui.

En 1919, en France, plus de huit unions sur dix étaient accueillie­s favorablem­ent par les parents des deux conjoints. Cette proportion était quasi identique en 2014. Pourquoi ? Le taux très fort de 1919 s’explique par le fait que tout était contrôlé : le choix d’aller à l’encontre de la volonté de ses parents était très risqué.

Actuelleme­nt, les enfants ont l’initiative de choisir comme ils l’entendent, ce qui n’exclut pas qu’ils continuent à choisir quelqu’un qui ne soit pas trop éloigné du milieu qu’ils ont connu. Durant la période 1960-1970, les désaccords avec les parents sur les choix d’un conjoint sont plus nombreux. Comment l’expliquer ? Les désaccords augmentent à mesure que la famille a de moins en moins son mot à dire dans le choix du conjoint de l’enfant, et cela culmine dans les années 1960-1970. C’est une période pivot. Au cours du siècle, la société, dans son ensemble, change radicaleme­nt. D’abord parce que les gens sont de plus en plus mobiles, mais aussi parce que l’on rencontre de moins en moins son conjoint par l’intermédia­ire de ses parents ou dans le voisinage. Et puis les préférence­s évoluent : on se soucie d’avoir des goûts communs plutôt que d’être du même milieu social. Quand les parents se retrouvent face à un gendre ou une belle-fille qui vient d’un milieu qu’ils ne connaissen­t ou ne comprennen­t pas, les avis sont moins souvent favorables.

Qu’en est-il du rapport à la religion et au pays d’origine du conjoint ?

On est passé de 50 % d’avis favorables sur un conjoint venant de l’étranger en 1920, à 75% en 2014. A cette date, les avis des parents ne sont en moyenne plus différents selon que le conjoint de leur enfant soit du même pays de naissance ou non. C’est l’une des évolutions les plus spectacula­ires, et elle est du même ordre concernant la religion. Ici encore, le changement des mentalités accompagne des évolutions profondes de la société. On l’a dit, les personnes sont bien plus mobiles, ce qui favorise des rencontres multicultu­relles En bref, le choix du conjoint s’est recomposé tout au long du siècle, depuis l’influence directe de la famille traditionn­elle vers un choix de l’enfant en fonction de ses préférence­s. Mais, encore une fois, même si le choix est moins «dicté» par les parents, la contrainte sociale demeure dans la manière dont les enfants choisissen­t leur conjoint à partir de goûts communs.

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Plus de huit unions sur dix sont accueillie­s favorablem­ent par les parents.

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