20 Minutes

Un art d’Afrique vivant et politique

Au musée du quai Branly-JacquesChi­rac, qui rouvre mercredi, «Ex Africa» s’attaque à une vision primitivis­te de l’art africain

- Aude Lorriaux * Au 37, quai Branly, à Paris (7e), à partir de mercredi et jusqu’au 11 juillet. Tarifs : 12€/9€.

«Il y a toujours quelque chose de nouveau qui vient de l’Afrique », disait l’historien romain Pline l’Ancien. Cette phrase, présente dans l’exposition « Ex Africa, Présences africaines dans l’art aujourd’hui », au musée du quai Branly-Jacques-Chirac à Paris*, résume le fond de cette oeuvre collective au propos très politique. OEuvre collective, parce que, si le journalist­e et commissair­e Philippe Dagen a fédéré les forces, de nombreux artistes ont réalisé pour cette occasion des oeuvres inédites.

Pour démonter les clichés, Philippe Dagen a choisi de s’attaquer au premier des maux : l’idée de primitivis­me. « Nous avons voulu montrer que, contrairem­ent à une certaine manière de voir l’histoire de l’art, les arts de l’Afrique ne devraient plus être considérés exclusivem­ent en fonction de ce qu’ils ont apporté aux arts occidentau­x, explique Philippe Dagen. Ce qui est le récit habituel. Aujourd’hui, il n’est plus possible de continuer à penser en ces termes. »

Picasso, Braque et les artistes du début du XXe siècle ont certes été les premiers artistes à porter un regard non méprisant sur les masques et statuettes que rapportaie­nt les marchands d’art. «Mais ils n’avaient pas les moyens de comprendre les fonctions religieuse­s, morales, politiques que ces objets avaient dans les cultures dont ils étaient issus, précise Philippe Dagen. Dans “primitivis­me”, vous avez “primitif”. Une sorte de jugement hiérarchiq­ue est sous-entendu. Il y aurait les primitifs d’un côté, et les modernes, les civilisés, de l’autre.»

A partir des années 1980, des artistes vont s’opposer à cette vision. Comme Jean-Michel Basquiat, dont on peut admirer au quai Branly le Grillo plein de couleurs, qui se veut un griot portant la mémoire de l’esclavage. Dans les années 2000, la critique se fait plus frontale, se moquant de cette récupérati­on occidental­e qui commercial­ise les masques sacrés comme on produit des hamburgers. La salle consacrée à la collection Chapman, des artistes

Jake et Dinos Chapman, est un pied de nez rieur. En s’approchant des totems et statues aux allures hiératique­s, on distingue une frite dans une main ou un sandwich à la place d’une tête. L’illusion est ludique, le message, limpide. Si l’on devait résumer cette exposition en une seule idée pour Philippe Dagen, ce serait celle-ci : « Montrer qu’il y a des artistes qui prennent en charge des réalités contempora­ines – migrants, spoliation­s, corruption, exploitati­on », non en pillant les formes d’art anciennes, mais « en connexion » avec elles.

En s’approchant des totems et statues, on distingue une frite dans une main.

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La salle consacrée à la collection des artistes Jake et Dinos Chapman.

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