Gare au loup francilien ?
L’observation du prédateur dans les Yvelines amène à s’interroger sur la possible adaptation de l’espèce dans la région
Depuis son retour en France, officiellement en 1992, par l’Italie, le loup continue d’étendre son territoire en France. Le 11 novembre, un spécimen a été photographié à Blaru, dans les Yvelines. C’est la première fois que la présence du loup est confirmée en Île-de-France par l’État. Le premier d’une longue lignée ?
EST-IL SURPRENANT DE VOIR UN LOUP EN ÎLE-DE-FRANCE ?
« Absolument pas, l’Île-de-France était l’une des régions les plus propices au loup jusqu’au XIXe siècle, explique Jean-Marc Moriceau, professeur d’histoire à l’université de Caen-Normandie et auteur d’Histoire du méchant loup [éd. Fayard]. Il est logique de le voir revenir. » Jusqu’à son éradication par l’homme au début du XXe siècle, le loup était présent dans la région. Avec le changement de son statut juridique et sa protection en 1979, puis 1992, il a recommencé à peupler la France. « D’abord par les Alpes du Sud, précise le spécialiste. On le voit jusqu’en Normandie désormais. » Selon l’Office français de la biodiversité, sa population dépassait les 600 individus au début de l’année 2021.
LE LOUP VA-T-IL DE NOUVEAU COLONISER L’ÎLE-DE-FRANCE ?
La présence d’un loup gris à Blaru ne permet pas encore d’être définitif sur une recolonisation de l’Île-de-France par l’espèce. Le loup observé, seul, pourrait n’être qu’un « disperseur », selon Jean-Marc Moriceau : « Il peut s’agir d’un mâle qui a été rejeté de la meute pour ne pas faire de concurrence au chef, ni aux louveteaux. Ce serait alors un loup solitaire en quête d’un lieu où fonder sa propre meute. » Autre hypothèse, ce loup solitaire pourrait être un éclaireur, en avant de la meute, qui reconnaît le terrain. « Mais tout laisse penser qu’en l’état l’Île-de-France peut devenir une zone de présence », ajoute Jean-Marc Moriceau.
PEUT-IL S’APPROCHER DES HABITATIONS, DES VILLES ?
On ne connaît pas encore la réaction du loup face à l’urbanisation forte, comme celle de certaines zones de la région, avec les bruits et nuisances qui vont avec. « Mais le loup est un animal très résistant, très intelligent et opportuniste, raconte Jean-Marc Moriceau pour avancer une possible adaptation à la région. On l’a vu traverser des autoroutes ou des voies de chemin de fer. » À proximité des villes, le loup peut adopter un comportement de charognard, « à l’image des ours ». L’historien précise : « Si sa population continue de croître, ce qui est mon hypothèse, il est probable qu’il s’approche à la recherche de nouveaux territoires et de nouvelles ressources. »