Jeux dangereux sous infiltrations
Couramment utilisées jusque dans les années 2000, les injections de cortisone sont moins utilisées depuis qu’on a mieux évalué leurs risques
Une piquouse, et ça repart. Il fut un temps pas si lointain où le monde du sport professionnel, notamment le foot ou le rugby, ne jurait que par les infiltrations, ces piqûres de cortisone injectées près d’une zone douloureuse de l’organisme, pour « soigner » temporairement une blessure. Cela dit, il serait plus exact de dire « masquer ». « Les infiltrations faites avant un match ne traitent pas la blessure, elles servent à masquer la douleur », confirme Thierry Delmeule, le médecin des Girondins de Bordeaux.
S’il peut encore arriver que des joueurs aient recours à cette pratique pour jouer un match important – ce fut le cas de l’Américain Taylor Fritz avant sa finale contre l’Espagnol Rafael Nadal à Indian Wells le 21 mars –, il semble que l’époque où l’on piquait pour un oui ou pour un non soit révolue. Et pour cause : « Le côté répétitif, chronique, a fait des dégâts monstrueux, explique le doc bordelais. Si vous faites une infiltration, le tendon va s’affiner. Au fil du temps, il va rompre. Pareil au niveau osseux, si vous en faites un usage répété, les corticoïdes rongent l’os. »
Le cas le plus effroyable reste celui du footballeur français Bruno Rodriguez, amputé de la jambe droite mi-mars. Si l’on ne peut affirmer que cela est dû uniquement aux infiltrations, pour lui, cela fait peu de doutes. «J’avais tout le temps envie de jouer, pour les petits comme pour les grands matchs, donc on me faisait des infiltrations, a-t-il raconté à L’Équipe après son opération. Et ça laisse des traces. (…) C’est sûr que, si on m’avait expliqué, j’aurais dit que je laissais passer le match à venir. »
« On n’avait pas de recul »
Ce manque d’informations, l’ex-rugbyman français Imanol Harinordoquy l’a déjà dénoncé. Encore aujourd’hui, il se dit «en colère» contre le voile posé sur les risques à plus ou moins long terme des infiltrations répétées. Si Thierry Delmeule ne nie pas « une certaine pression des clubs, des présidents, des entraîneurs, voire des joueurs, à l’époque », le docteur explique qu’on manquait d’informations dans les années 1980, 1990 et 2000 : « Au début on avait de bons résultats, mais on s’est aperçus ensuite que les joueurs régulièrement infiltrés se pétaient ou qu’ils étaient handicapés après leur carrière. On a donc fait machine arrière et on s’est rendu compte qu’il y avait d’autres prises en charge possibles. Mais, avant, on n’avait pas ce recul-là. (…) Aujourd’hui, à Bordeaux, des infiltrations, on doit en faire deux ou trois maximum par saison. »