20 Minutes

Jeux dangereux sous infiltrati­ons

Couramment utilisées jusque dans les années 2000, les injections de cortisone sont moins utilisées depuis qu’on a mieux évalué leurs risques

- Aymeric Le Gall

Une piquouse, et ça repart. Il fut un temps pas si lointain où le monde du sport profession­nel, notamment le foot ou le rugby, ne jurait que par les infiltrati­ons, ces piqûres de cortisone injectées près d’une zone douloureus­e de l’organisme, pour « soigner » temporaire­ment une blessure. Cela dit, il serait plus exact de dire « masquer ». « Les infiltrati­ons faites avant un match ne traitent pas la blessure, elles servent à masquer la douleur », confirme Thierry Delmeule, le médecin des Girondins de Bordeaux.

S’il peut encore arriver que des joueurs aient recours à cette pratique pour jouer un match important – ce fut le cas de l’Américain Taylor Fritz avant sa finale contre l’Espagnol Rafael Nadal à Indian Wells le 21 mars –, il semble que l’époque où l’on piquait pour un oui ou pour un non soit révolue. Et pour cause : « Le côté répétitif, chronique, a fait des dégâts monstrueux, explique le doc bordelais. Si vous faites une infiltrati­on, le tendon va s’affiner. Au fil du temps, il va rompre. Pareil au niveau osseux, si vous en faites un usage répété, les corticoïde­s rongent l’os. »

Le cas le plus effroyable reste celui du footballeu­r français Bruno Rodriguez, amputé de la jambe droite mi-mars. Si l’on ne peut affirmer que cela est dû uniquement aux infiltrati­ons, pour lui, cela fait peu de doutes. «J’avais tout le temps envie de jouer, pour les petits comme pour les grands matchs, donc on me faisait des infiltrati­ons, a-t-il raconté à L’Équipe après son opération. Et ça laisse des traces. (…) C’est sûr que, si on m’avait expliqué, j’aurais dit que je laissais passer le match à venir. »

« On n’avait pas de recul »

Ce manque d’informatio­ns, l’ex-rugbyman français Imanol Harinordoq­uy l’a déjà dénoncé. Encore aujourd’hui, il se dit «en colère» contre le voile posé sur les risques à plus ou moins long terme des infiltrati­ons répétées. Si Thierry Delmeule ne nie pas « une certaine pression des clubs, des présidents, des entraîneur­s, voire des joueurs, à l’époque », le docteur explique qu’on manquait d’informatio­ns dans les années 1980, 1990 et 2000 : « Au début on avait de bons résultats, mais on s’est aperçus ensuite que les joueurs régulièrem­ent infiltrés se pétaient ou qu’ils étaient handicapés après leur carrière. On a donc fait machine arrière et on s’est rendu compte qu’il y avait d’autres prises en charge possibles. Mais, avant, on n’avait pas ce recul-là. (…) Aujourd’hui, à Bordeaux, des infiltrati­ons, on doit en faire deux ou trois maximum par saison. »

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F. Lancelot / Sipa Imanol Harinordoq­uy (ici en 2015) a dénoncé le voile posé sur les risques des infiltrati­ons.
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