20 Minutes

Billard à trois bandes

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La veille, un émissaire venu de Moscou avait passé le message à Chestov : officielle­ment, le maître du Kremlin n’avait pas du tout apprécié son absence à la réunion des vassaux du régime, et l’avait fait savoir.

Ce 24 février au soir, ils étaient tous venus, 40 oligarques cousus d’or, réunis par les circonstan­ces, pitoyablem­ent assis sur des chaises alignées face à leur suzerain, dans l’immense hall Catherine de l’ancien Sénat russe. Ils devaient renouveler leur serment de soumission, au moment même où les blindés russes envahissai­ent l’Ukraine. Contrairem­ent aux apparences, l’affaire était entendue. Le Kremlin avait désigné Chestov pour jouer le rôle du vilain petit canard. Il était plus utile en volatile mis au coin à l’étranger qu’en soutien de « l’opération spéciale ». Il brillait donc par son absence et laissait croire qu’il avait pris ses distances avec le pouvoir. Son don à la Croix-Rouge pour les réfugiés d’Ukraine lui servait encore de sauf-conduit face aux Occidentau­x. Il se gardait bien, au demeurant, de condamner ou de seulement critiquer le tsar de la sainte Russie.

De son repaire de Chypre, il n’avait pas bougé. Pour l’instant, personne ne venait s’étonner que son immense chalet suisse de Gstaad, son appartemen­t new-yorkais d’une valeur 88 millions de dollars, sa villa d’Hawaï, son club de foot ne soient pas saisis ! Il se sentait protégé grâce à l’accord secret noué par son indéfectib­le allié, l’oligarque Othman Rakhimov. Lui était bien présent au Kremlin lors de cette soirée de remise au pas, fidèle représenta­nt de Chestov auprès du tsar.

(à suivre)

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