Présidentielle Macron n’a pas l’avis d’artistes
Les rappeurs, youtubeurs ou autres personnalités des arts qui parlent à la jeunesse s’abstiennent de soutenir le président sortant
Àdeux jours du second tour de la présidentielle, les artistes restent plutôt silencieux. Il y a bien eu quelques appels par-ci par-là, et surtout une tribune de 500 noms appelant à faire barrage à la candidate RN, Marine Le Pen, et aux idées d’extrême droite. Mais bien peu de jeunes artistes (ou d’artistes s’adressant aux jeunes) appellent à voter en faveur d’Emmanuel Macron, le président sortant (LREM).
« Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas engagés, note Suzanne Combo, directrice de la Guilde des artistes de la musique. Leur frilosité s’explique aussi par le climat des réseaux sociaux, très violent, et une société très polarisée. Ça devient
compliqué pour les artistes de se positionner sans froisser. » L’irruption de la guerre en Ukraine et la pandémie de Covid-19 n’ont pas facilité le contexte. « Il leur est aussi plus facile d’exprimer des idées de gauche que de droite », précise-t-elle. La campagne électorale a montré que les soutiens francs aux candidates et candidats ont été peu nombreux, mais se sont intensifiés peu de temps avant le premier tour, notamment en faveur de JeanLuc Mélenchon (soutenu d’abord par la rappeuse Davinhor, puis par le rappeur Rohff).
« Barrer la route à Marine Le Pen »
Au contraire du président sortant, l’excandidat insoumis bénéficie d’un capital populaire important, suscitant mèmes et comptes humoristiques. Désormais le deuxième tour consiste à « barrer la route à Marine Le Pen », pose Philippe Gautier, secrétaire général de l’Union nationale des syndicats
d’Artistes musiciens. La théorie du barrage à l’extrême droite joue donc à plein, mais sans appel clair à voter Emmanuel Macron. « Il ne faut pas s’étonner qu’il n’y ait pas de mouvement envers Emmanuel Macron, observe Philippe Gautier. On a un président qui ne s’affiche pas comme un ami des arts. Il n’est pas allé à Cannes, ni au Printemps de Bourges. Trois ministres de la Culture se sont succédé en cinq ans. Il a été impossible de travailler efficacement. » S’il ne faut pas minimiser les aides données au monde de la culture durant la pandémie, avec notamment l’octroi de l’année blanche aux intermittents du
spectacle, il est à noter qu’Emmanuel Macron a aussi heurté la profession. « Il a beaucoup déçu : il est à la tête d’un gouvernement qui a dit que les activités culturelles étaient non essentielles; Le secteur culturel a subi des fermetures plus que d’autres, et plus globalement, le quinquennat a été marqué par des lois sociales qui ont fait régresser les droits », détaille Philippe Gautier. « Il n’y a pas assez d’ambition et d’envie de traiter les sujets techniquement, c’est un peu trop de l’image », abonde Suzanne Combo. Cependant, pour le monde de la culture, le risque de l’extrême droite demeure. « La vie culturelle est incompatible avec la préférence nationale, rappelle Philippe Gautier. Le projet de Marine Le Pen consistera à museler les artistes. » Peut-être le péril provoquerat-il un sursaut chez les artistes. À moins que le monde de l’art ne fasse entièrement confiance à la jeunesse pour « emmerder » le RN.
« [Le président] a beaucoup déçu, à la tête d’un gouvernement qui a dit que les activités culturelles étaient non essentielles. » Philippe Gautier, de l’Union nationale des syndicats d’artistes musiciens