20 Minutes

Santé À l’hôpital public, claquage au bout de la nuit

Les urgences et services spécialisé­s commencent à fermer le soir, faute de paramédica­ux suffisants

- Oihana Gabriel

Après une première mobilisati­on jeudi soir, le service d’urgence du centre hospitalie­r de SainteFoy-la-Grande, en Gironde, fermera à nouveau ces portes les nuits de ce vendredi et de samedi. À Amboise (Indre-et-Loire), ce week-end, les urgences resteront portes closes de 18 h 30 à 9 h 30. Partout, en France, l’hôpital public peine, faute de bras. Sur Twitter, le Syndicat national des profession­nels infirmiers dénombre « 60 000 postes d’infirmiers vacants ». À Paris, la possible fermeture de nuit du service d’immunopath­ologie clinique de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP) fait grand bruit depuis un mois. Les effectifs infirmiers permanents de nuit sont passés de 12 à 1.

« Il n’y a pas d’attractivi­té »

Depuis quatorze mois, les infirmière­s de jour compensent, mais la coupe est pleine. Les soignants ont envoyé un SOS aux deux finalistes de la présidenti­elle… « Nous avons reçu une réponse d’Olivier Véran [le ministre de la Santé] qui s’engageait à ne pas fermer le service, rapporte Jehane Fadlallah, médecin du service. Mais ça n’amène pas 11 infirmière­s… La direction a proposé à nos infirmière­s de jour une indemnisat­ion de 450 € par mois pour faire des nuits. Mais ça ne fait qu’entretenir la rustine. Les infirmière­s ont demandé la rétroactiv­ité de cette prime. Ce que la direction semble avoir accordé, mais avec un montant de 220 €. » Des promesses orales, mais

un début de solution semble se dessiner. « Cinq infirmière­s de jour ont accepté de faire en plus les nuits, explique cette médecin. Mais elles sont épuisées, et c’est transitoir­e. Et le fond du problème reste entier : il n’y a pas d’attractivi­té, donc pas de candidats pour les postes de nuit. »

Les urgences, les maternités, les services spécialisé­s, ferment de plus en plus la nuit. Les paramédica­ux en ont marre du sous-effectif, des remplaceme­nts non-stop, du système D, qui mènent au burn-out. Ils alertent depuis des mois : si l’hôpital commence à fermer la nuit, où iront les patients ? Pour maintenir et attirer des paramédica­ux volontaire­s pour travailler de nuit, sans doute faudra-t-il un effort supplément­aire, le Ségur de la Santé montrant ses limites. Un paramédica­l qui travaille la nuit voit son salaire augmenter de 1,07 € par heure, entre 21 h et 6 h du matin, et dans la limite de neuf heures. « Alors que nos infirmiers font des gardes de douze heures », critique Jehane Fadlallah. Pour elle, la revalorisa­tion s’annonce indispensa­ble.

Deuxième piste : améliorer les conditions de travail. « Les infirmière­s, souvent des femmes, parfois seules, n’ont pas de mode de garde la nuit », argumente la Dre Fadlallah. L’AP-HP attribue actuelleme­nt 500 logements par an et va augmenter ce nombre de 50 % dans les années à venir. Elle propose aussi 4 600 places de crèche. Sans doute faudra-t-il faire davantage… Troisième possibilit­é pour offrir un cadre plus confortabl­e : mettre les médecins à contributi­on. « Les infirmière­s sont très seules, admet Jehane Fadlallah. Assurer un cadre de travail sécurisant aiderait à recruter. » Fautil augmenter le nombre de gardes de nuit des médecins ? Mieux les rémunérer ? Nul doute que cela provoquera­it d’autres crispation­s.

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Sevgi / Sipa Une manifestat­ion de soignants devant le service d’immunopath­ologie de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, le 20 avril.
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