Santé À l’hôpital public, claquage au bout de la nuit
Les urgences et services spécialisés commencent à fermer le soir, faute de paramédicaux suffisants
Après une première mobilisation jeudi soir, le service d’urgence du centre hospitalier de SainteFoy-la-Grande, en Gironde, fermera à nouveau ces portes les nuits de ce vendredi et de samedi. À Amboise (Indre-et-Loire), ce week-end, les urgences resteront portes closes de 18 h 30 à 9 h 30. Partout, en France, l’hôpital public peine, faute de bras. Sur Twitter, le Syndicat national des professionnels infirmiers dénombre « 60 000 postes d’infirmiers vacants ». À Paris, la possible fermeture de nuit du service d’immunopathologie clinique de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP) fait grand bruit depuis un mois. Les effectifs infirmiers permanents de nuit sont passés de 12 à 1.
« Il n’y a pas d’attractivité »
Depuis quatorze mois, les infirmières de jour compensent, mais la coupe est pleine. Les soignants ont envoyé un SOS aux deux finalistes de la présidentielle… « Nous avons reçu une réponse d’Olivier Véran [le ministre de la Santé] qui s’engageait à ne pas fermer le service, rapporte Jehane Fadlallah, médecin du service. Mais ça n’amène pas 11 infirmières… La direction a proposé à nos infirmières de jour une indemnisation de 450 € par mois pour faire des nuits. Mais ça ne fait qu’entretenir la rustine. Les infirmières ont demandé la rétroactivité de cette prime. Ce que la direction semble avoir accordé, mais avec un montant de 220 €. » Des promesses orales, mais
un début de solution semble se dessiner. « Cinq infirmières de jour ont accepté de faire en plus les nuits, explique cette médecin. Mais elles sont épuisées, et c’est transitoire. Et le fond du problème reste entier : il n’y a pas d’attractivité, donc pas de candidats pour les postes de nuit. »
Les urgences, les maternités, les services spécialisés, ferment de plus en plus la nuit. Les paramédicaux en ont marre du sous-effectif, des remplacements non-stop, du système D, qui mènent au burn-out. Ils alertent depuis des mois : si l’hôpital commence à fermer la nuit, où iront les patients ? Pour maintenir et attirer des paramédicaux volontaires pour travailler de nuit, sans doute faudra-t-il un effort supplémentaire, le Ségur de la Santé montrant ses limites. Un paramédical qui travaille la nuit voit son salaire augmenter de 1,07 € par heure, entre 21 h et 6 h du matin, et dans la limite de neuf heures. « Alors que nos infirmiers font des gardes de douze heures », critique Jehane Fadlallah. Pour elle, la revalorisation s’annonce indispensable.
Deuxième piste : améliorer les conditions de travail. « Les infirmières, souvent des femmes, parfois seules, n’ont pas de mode de garde la nuit », argumente la Dre Fadlallah. L’AP-HP attribue actuellement 500 logements par an et va augmenter ce nombre de 50 % dans les années à venir. Elle propose aussi 4 600 places de crèche. Sans doute faudra-t-il faire davantage… Troisième possibilité pour offrir un cadre plus confortable : mettre les médecins à contribution. « Les infirmières sont très seules, admet Jehane Fadlallah. Assurer un cadre de travail sécurisant aiderait à recruter. » Fautil augmenter le nombre de gardes de nuit des médecins ? Mieux les rémunérer ? Nul doute que cela provoquerait d’autres crispations.