20 Minutes

Une femme de chambre bientôt à l’Assemblée ?

Rachel Kéké, qui a mené une longue grève à l’hôtel Ibis Batignolle­s, se présente pour la Nupes aux législativ­es dans le Val-de-Marne

- Aude Lorriaux

Elle arbore ce jour une éclatante robe en wax, avec des fleurs jaunes et rouges. Une robe qui renvoie à ses origines : la Côte d’Ivoire, où elle est née en 1974, à Abobo précisémen­t. Rachel Kéké, candidate aux législativ­es dans le Val-de-Marne pour la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), a été élevée là-bas par un père conducteur de bus et une mère vendeuse de vêtements, une « bété ». « Les “bétés”, ce sont des gens qui disent les choses cash, explique-t-elle. Ils ne se laissent pas marcher dessus. » Difficile, en effet, de marcher sur Rachel Kéké, leadeuse de la plus longue grève de l’histoire de l’hôtellerie. Vingt-deux mois de mobilisati­on, au terme desquels elle a obtenu, avec ses soeurs de lutte de l’Ibis Batignolle­s, à Paris, une revalorisa­tion salariale, entre autres. « Il ne faut pas aller la chercher ! », dit en riant sa soeur, Tatiana Kéké. « Elle est féroce, commente Sylvie Kimissa, l’autre forte tête de la grève. Quand elle défend quelqu’un, elle prend ça à coeur, comme si c’était elle qui était visée. »

« La France m’a beaucoup appris »

Le moteur de sa force et de sa pugnacité, ce sont les autres. Tout ça a commencé tôt, dès 12 ans, à la mort de sa mère. Rachel Kéké arrête l’école pour se consacrer à ses quatre soeurs et frères, plus petits qu’elle. Une fois à Paris, à 26 ans, pour y faire de la coiffure, elle continuera à filer des coups de main, à héberger des gens, à soutenir les collègues dans la panade. Vivre en France l’a endurcie. « Rachel était timide, estime Tatiana Kéké. Quand je suis venue ici en 2002, je ne l’ai pas reconnue. » « La France m’a beaucoup appris, justifie Rachel Kéké. Parce que, ici, on a beaucoup de droits. » En France, elle commence avec un salaire à temps partiel, à 500 €. Pendant quatorze ans, elle ne cessera de demander un temps complet, qu’elle n’obtiendra qu’en 2017. Aujourd’hui, grâce à la grève qu’elle a lancée, elle gagne 1 700 € net. C’est pour ces « métiers invisibles » qu’elle se bat aujourd’hui, lassée d’avoir entendu des femmes et des hommes politiques lui dire qu’ils ne pouvaient rien faire. Et pourquoi la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, alors ? Pour « les idées de Mélenchon » dit-elle. Et parce que « [François] Ruffin, [Éric] Coquerel et [Danièle] Obono [tous députés LFI] sont venus sur nos piquets de grève. Éric Coquerel m’a envoyé un message en janvier. Je suis une guerrière, donc j’ai dit oui ! »

Les femmes de l’hôtel Ibis sont tristes de la voir partir. « Qu’est-ce qu’on fera sans elle ? » se demandent-elles. Rachel Kéké les rassure : « Le but, c’est encore de vous aider. C’est un autre combat que je vais mener. »

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A. Lorriaux / 20 Minutes Rachel Kéké, 48 ans, est décrite par ses proches comme « féroce » et dévouée.
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