20 Minutes

Requiem pour un oligarque

- (à suivre)

La météo avait beau insister sur le soleil, l’ombre des mauvaises nouvelles dans les pas d’Oleg Chestov lui gâchait la fête. Cela faisait bien longtemps qu’il ne souriait plus, sinon par politesse, une froide grimace qu’il lâchait avec parcimonie à ses interlocut­eurs, lorsqu’il se sentait obligé d’afficher un semblant d’humanité. Il avisa tout de suite la

silhouette de l’émissaire français, qui contemplai­t la mer au milieu des premiers touristes de ce début d’été. Il l’aborda avec un « sourire » en se plaçant discrèteme­nt à ses côtés, comme un amateur de paysage en promenade. Non loin, un traducteur de russe assurait au téléphone la fluidité de leurs échanges.

– Nous avons appris vos ennuis de santé, dit l’émissaire.

– Allez au fait, s’il vous plaît, répondit Chestov. Vous le savez, maintenant, mon temps est compté.

– Un nouveau lot de sanctions européenne­s est en préparatio­n. Cette fois, vous êtes sur la liste. Vos accords avec les Américains n’y pourront rien. – Je vous écoute.

De l’extérieur, les deux hommes semblaient parler aux oreillette­s de leur téléphone en s’ignorant, l’un en russe, l’autre en français.

– Nous souhaiteri­ons que vous fassiez passer un message au Kremlin, dit l’émissaire. Nous savons qu’un petit groupe s’est formé afin de préparer l’après-guerre et nous voudrions établir un contact indirect avec certains d’entre eux.

En même temps qu’il conversait, Oleg Chestov calculait les avantages de cette nouvelle trahison, aussi avantageus­e et risquée que celle passée avec les Américains. Quelle raison aurait-il eu de refuser ? N’était-il pas aussi condamné que le maître du Kremlin ?

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