20 Minutes

Un Van Gogh pour la faim

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L’oeuvre avait été donnée à un roi de la mode, avant de changer de mains et de finir entre celles du marchand Haller, qui l’avait cédée à Chestov pour sa collection. Une pièce rare, avait précisé Nicolas

Haller, unique en son genre. À l’époque, Chestov avait hésité. Il n’avait pas aimé l’idée d’une toile peinte par un fou, enfermé à sa demande dans un asile, à cause d’une oreille qu’il s’était lui-même coupée. Génie ou pas, la folie l’avait dérangé. Malgré le plaisir de sa femme à regarder ce tableau, le poids de la superstiti­on et la crainte de la démence l’avaient longtemps empêché de se réjouir de cette bonne affaire.

Mais, aujourd’hui, avec le temps, se séparer de ce chef-d’oeuvre le dérangeait. Il avait pris goût à ce souvenir, loin des ennuis d’une santé qui se dégradait sévèrement. Cette vente aux enchères était un mauvais augure de plus, avait-il pensé avant de s’y résoudre. Les commentair­es enthousias­tes du spécialist­e du peintre étaient exaspérant­s : « Des oeuvres de cette qualité, jamais exposées, peintes pendant la maturité de l’artiste, sont rarement disponible­s sur le marché. » Quand elles le sont, semblait-il dire en filigrane à l’oligarque, ce n’est pas bon signe pour celui qui s’en sépare. Chestov avait sursauté quand le marteau avait conclu la vente à 40 millions. De quoi soulager une trésorerie malmenée par les circonstan­ces. Il n’en fallait pas moins pour redonner confiance aux banquiers du Royaume, faire circuler un peu d’argent. Les affaires étaient prospères. Il en aurait presque manqué le message de Patros qui insistait depuis un moment pour le joindre. (à suivre)

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