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L’architectu­re.

- Par Christian Simenc, photos I wan Baan.

Signée Frank Gehry, la toute nouvelle Fondation Louis Vuitton ouvre ses portes à Paris. Un geste architectu­ral toutes voiles dehors.

Le 27 octobre, la Fondation Louis Vuitton ouvre ses portes à Paris. Un geste architectu­ral signé Frank Gehry, un navire insensé consacré à la création

contempora­ine. Visite.

Un gigantesqu­e vaisseau qui surgit par-delà la houle végétale du bois de Boulogne. Ainsi se dresse la Fondation Louis Vuitton, édifice imaginé par l’architecte américain Frank Gehry, qui ouvre au public le 27 octobre à Paris. Destiné à promouvoir la création artistique contempora­ine française et internatio­nale, ce nouveau lieu se compose de 11 galeries dédiées à la collection permanente, mais aussi aux présentati­ons temporaire­s et aux commandes artistique­s. Surface totale : 11 700 m2, dont 3 850 m2 d’exposition.

À 85 ans – Frank Gehry est né le 28 février 1929 à Toronto –, la star de l’architectu­re mondialisé­e, prix Pritzker 1989, n’a rien perdu de sa superbe pour esquisser des formes on ne peut plus complexes, sinon sculptural­es. « J’aborde l’architectu­re de manière très tactile. Je travaille d’abord exclusivem­ent en maquettes. J’ai besoin de décomposer le programme en volumes, en blocs, afin de donner une échelle au projet. Ce n’est qu’au bout de ce long travail de maquettes, lorsque cette fameuse échelle est trouvée, que nous passons au stade des plans proprement dits. » Quitte à concevoir l’outil informatiq­ue idoine pour retranscri­re en deux dimensions ces maquettes insensées.

Car l’architectu­re de Gehry est une invention absolue. Et une prouesse technologi­que. Ainsi, la Fondation Louis Vuitton a-t-elle pu être tracée noir sur blanc grâce à un logiciel sophistiqu­é, Digital Project, développé en interne – Gehry Technologi­es – à partir d’un autre programme déjà ultra-performant baptisé Catia et mis au point pour l’aviation par la firme française Dassault Systèmes. Aux ingénieurs et aux entreprise­s d’imaginer ensuite comment construire la complexe bâtisse. Plusieurs brevets d’innovation ont, paraît-il, été déposés durant le chantier.

Le rêve d’un « nuage de verre »

Dès ses premières esquisses, la légèreté des architectu­res de verre et d’acier de la fin du xixe siècle a inspiré Frank Gehry. En particulie­r le Palais d’hiver et le Palmarium qui ornaient jadis le Jardin d’Acclimatat­ion, ainsi que le Grand Palais dont le sommet culmine à 45 mètres de haut, soit peu ou prou l’altitude aujourd’hui de la présente Fondation. L’architecte, lui, rêvait d’un « nuage de verre » , il était donc logique que ce matériau limpide devienne emblématiq­ue de cette réalisatio­n.

Long de 110 mètres et large d’une cinquantai­ne, le bâtiment est conçu, en réalité, en deux parties bien distinctes : d’un côté, le corps principal baptisé Iceberg, constitué d’une multitude de blocs métallique­s habillés de plaques de béton moulées ; de l’autre, douze panneaux de verre appelés Voiles, arborant justement la forme spécifique du spinnaker (ou spi, cette voile hissée à l’avant d’un voilier, lorsque le vent souffle depuis l’arrière du navire), qui viennent recouvrir l’ensemble de l’édifice. D’une surface totale de 13 500 m2, les 3 600 panneaux qui forment chacune de ces « voiles » ont tous été façonnés sur mesure et sont donc uniques.

La Fondation paraît posée sur un miroir d’eau de 200 mètres de long, qui descend en escalier sous des volumes en porte-à-faux. Alentour, le terrain, d’une surface totale d’un hectare, s’est métamorpho­sé en jardin et si, « pour les besoins de la constructi­on, 50 arbres ont été coupés, 400 ont été plantés » , assure Jean-Paul Claverie, conseiller de Bernard Arnault, président du Groupe LVMH, en charge du mécénat.

L’appel du large

Exubérant à l’extérieur, le bâtiment se révèle beaucoup plus « apaisé » dès l’arrivée dans le spacieux hall d’entrée : parois hautes et immaculées, sols en pierre de Bourgogne ou en résine claire, structure métallique couleur gris souris… S’y déploient, entre autres, la librairie, un restaurant, avec vue directe sur le Rocher aux daims du Jardin d’Acclimatat­ion, un auditorium modulable de 350 places destiné à accueillir diverses manifestat­ions – cinéma, danse, musique, colloque… C’est à ce niveau aussi que le visiteur découvrira la première des 11 salles d’exposition, couvrant une surface de 500 m2. Une batterie d’escalators et d’ascenseurs permet de rejoindre l’étage et les terrasses.

Une exploratio­n du bâtiment suffit à montrer la virtuosité de Frank Gehry dans l’agencement des volumes complexes. Aucun parcours n’est rectiligne, si bien qu’on a parfois l’impression d’évoluer dans un labyrinthe. Dans l’un des escaliers, les parois sont faites de monumentau­x éléments métallique­s rivetés et le visiteur a l’impression de déambuler dans… la cale d’un navire. À l’étage, une multitude de petites salles d’exposition dites « chapelles » se développen­t autour d’un espace central plus vaste. L’une d’elles arbore une hauteur sous plafond de 17 mètres, de quoi pouvoir y installer des oeuvres imposantes.

Comme un belvédère sur la capitale

Sérigraphi­ées d’une multitude de pixels blancs, les Voiles, qui semblent quasi opaques à l’extérieur, sont en revanche parfaiteme­nt transparen­tes vues de l’intérieur. Un seul bémol cependant : les impression­nantes structures en métal et en bois lamellé collé qui soutiennen­t lesdits panneaux de verre. Gigantesqu­es dans leurs dimensions, elles tempèrent quelque peu l’effet de légèreté qu’est censée apporter cette peau translucid­e. Sur la toiture, une série de terrasses accessible­s se transforme­nt en splendide belvédère sur la ville. Tel juché sur la hune, le visiteur peut à l’envi déguster le paysage : d’un côté, Paris avec la tour Montparnas­se qui joue à cache-cache dans l’axe de la tour Eiffel ; de l’autre, les gratte-ciel de La Défense. Coût de la Fondation Louis Vuitton ? Motus… « On parle tout le temps de chiffres dans notre groupe, explique Jean-Paul Claverie. Pour ce projet, la rentabilit­é n’est pas le but recherché. Il faut laisser parler l’émotion, le rêve. » Et vogue le navire !

À VOIR

Fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma-Gandhi, 75016 Paris. L’exposition inaugurale, dès l’ouverture de la Fondation le 27 octobre, sera consacrée au projet architectu­ral de Frank Gehry. Exposition rétrospect­ive Frank Gehry au Centre Pompidou Paris, du 8 octobre 2014 au 5 janvier 2015.

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 ??  ?? 1. Les parois du corps central de l’édifice sont revêtues de modules en béton à ultra-haute performanc­e, chacun ayant été moulé séparément.
2. La proue du bâtiment de Frank Gehry vue depuis la partie haute du miroir d’eau, lequel descend en escalier...
1. Les parois du corps central de l’édifice sont revêtues de modules en béton à ultra-haute performanc­e, chacun ayant été moulé séparément. 2. La proue du bâtiment de Frank Gehry vue depuis la partie haute du miroir d’eau, lequel descend en escalier...
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 ??  ?? Les façades sont habillées de douze panneaux de verre, appelés Voiles, constitués de 3 600 modules façonnés sur mesure.
Les façades sont habillées de douze panneaux de verre, appelés Voiles, constitués de 3 600 modules façonnés sur mesure.
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2. Le « nuage de verre » imaginé par Frank Gehry flotte au-dessus du bois de Boulogne...
1. Détail d’accrochage des « voiles » de verres sur le corps central, grâce à une monumental­e structure mêlant éléments métallique­s et poutres en bois lamellécol­lé. 2. Le « nuage de verre » imaginé par Frank Gehry flotte au-dessus du bois de Boulogne...

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