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Les portraits.

- Par Sophie Pinet.

De Paris à New York, de Berlin à Los Angeles, les jeunes artistes qui font exploser les cotes de l’art.

Ils sont jeunes, très jeunes, et, à peine arrivés, ont été consacrés par les institutio­ns comme par les collection­neurs privés. Rencontre avec 8 artistes dont la cote ressemble à une poussée d’adrénaline.

Un Picasso ici, un fauteuil de Jean-Michel Frank là, une lampe de Giacometti, un Indien de Cyprien Gaillard… Le New York Times publiait cet hiver l’archétype de l’appartemen­t de collection­neurs new-yorkais, à l’image donc de la tendance actuelle de l’art contempora­in. Une tendance dans laquelle toutes les frontières ont volé en éclats, mêlant génération­s, pratiques et mouvances artistique­s, valeurs sûres et jeunes pousses montées en graine en quelques mois. Car elle monte, elle monte très vite la nouvelle génération. Et c’est une des spécificit­és de la scène contempora­ine (qui s’en porte financière­ment d’ailleurs très bien) : une sorte de consensus, accordant à ces jeunes artistes la reconnaiss­ance à la fois des collection­neurs privés et des institutio­ns publiques, prix décernés, félicitati­ons de la presse, tout continent confondu…

À l’occasion de la Fiac, nous avons sélectionn­é les plus emblématiq­ues représenta­nts de cette nouvelle scène. Avec un bémol à la clé : quelques-uns ont décliné l’invitation pour cause de surmédiati­sation. Trop diffusés, trop vus, plus rien à dire pour l’instant. On peut les comprendre, Bacon n’a-t-il pas attendu la fin de sa vie pour s’entretenir avec Michel Archimbaud* sur son travail ? * Francis Bacon (1909-1992), entretiens avec Michel Archimbaud, préface de Milan Kundera, Gallimard. La Fiac, du 23 au 26 octobre, au Grand Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris. www. fiac.com

ADRIEN MISSIKA

Né à Paris en 1981, vit et travaille à Berlin.

Son parcours. Il fait partie des derniers diplômés de l’Écal, sous l’ère du mythique directeur Pierre Keller. Sur les bancs, il y a rencontré Cyprien Gaillard avec lequel il a par la suite voyagé. C’est donc tout naturellem­ent que la galerie de ce dernier (Bugada & Cargnel) a décidé de le représente­r lui aussi. « Ils partagent la pratique de l’errance, et un goût prononcé pour l’anthropism­e », dixit la galeriste Claudia Cargnel. Son travail. Sur différents médiums, il rend compte de ses voyages, à la recherche de lieux ou de monuments oubliés, naturels ou construits. On l’a ainsi découvert au Centre Pompidou, avec Dome, le film où il prenait possession des ruines d’Oscar Niemeyer à Tripoli, et pour lequel il a remporté le prix Ricard en 2011, et on vient de le quitter au Centre culturel suisse où il présentait l’exposition Amexica, pour laquelle il a survolé en drone la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Ses projets. Des oeuvres exposées à la Fiac, des voyages toujours, et un solo show prévu en 2015. Sa cote. Entre 2 000 € pour une photograph­ie petit format et 15 000 € pour certaines de ses vidéos. www. bugadacarg­nel.com

L’oeuvre : Botanical Frottage, verre, aluminium, impression sur film transparen­t, 2013.

PARKER ITO

Né à Seal Beach (Californie) en 1986, vit et travaille à Los Angeles.

Son profil. Trublion made in Californie, casquette vissée à l’envers sur la tête, Nike aux pieds, masseur sur sa page Facebook, mais en réalité surfeur sur le net, bien qu’il déteste qu’on le résume ainsi. Ses débuts. Il les raconterai­t sur Twitter s’il le pouvait. Faisons donc court. Avant d’être artiste, il voulait être skateboard­er profession­nel. Mais ça, c’était avant de plonger tête la première dans internet, en 2005. Sa phrase (déjà) culte. « Je crois que Picasso a produit 250 000 oeuvres durant sa vie, je peux créer autant de fichiers jpeg en deux ans. » Son travail. Il tourne autour de la notion d’abondance ; abondance d’images, d’énergie, de personnage­s qu’il invente ou qu’il s’invente (il a voulu poser en armure pour AD), et abondance de supports. Il suffit pour cela de jeter un oeil sur son site internet, peut-être son oeuvre la plus complète et la plus intéressan­te. Sa cote. C’est un sujet tabou, mais pour vous faire une idée, rendez-vous sur la toile, vous trouverez vite une réponse… Ses projets. En janvier 2015, un solo show à la galerie Chateau Shatto qui culminera après tous ceux qu’il a faits en 2014, à base de peintures double face et de bronzes regroupés dans un espace de 1 500 m2. www.chateausha­tto.com

L’oeuvre : détail de l’installati­on Maid in Heaven / En Plein Air in Hell (My Beautiful Dark and Twisted Cheeto Problem), 2014.

DAVID OSTROWSKI

Né à Cologne en 1981, vit et travaille à Cologne. Son profil. Il est du genre invisible, sauf si vous avez eu la chance d’assister à l’un de ses vernissage­s, et se situe plutôt du côté sombre et désinvolte de la scène contempora­ine actuelle : « Je fais des peintures à propos de rien. Je n’ai pas d’idées, pas de motivation, pas d’inspiratio­n. » La presse, elle, le qualifie d’artiste romantique et s’émerveille devant chacune de ses exposition­s. Son travail. Il pratique une peinture résolument abstraite, avec une palette de couleurs réduite au minimum, et une interventi­on qui s’apparente à celle du geste (avec une bombe de peinture), mettant en valeur ses imperfecti­ons. Ses projets. Représenté par de prestigieu­ses galeries (Almine Rech, Simon Lee ou Peres Projects à Berlin), l’artiste sera de toutes les foires internatio­nales cette année. Le phénomène est bien en marche. Sa cote. Estimée entre 12 000 € et 20 000 €, l’une de ses toiles a été adjugée à 110 000 € lors d’une vente chez Philips à Londres, en février dernier. www. peresproje­cts.com

L’oeuvre : F (A Thing is a Thing in a Whole Which it’s Not), acrylique et laque sur toile, 2013.

LUCIEN SMITH

Né à Los Angeles en 1989, vit et travaille à New York. Son travail. Résolument abstrait, et principale­ment à l’acrylique sur toile. Parfois il s’échappe vers la sculpture et la vidéo, usant de la répétition. Ses débuts. Al Moran et Aaron Bondaroff, de la galerie OHWOW, le remarquent : il a à peine 18 ans. Sa source d’inspiratio­n. New York, ses travers contempora­ins, et son évolution possible. Sa cote. À 25 ans, il agite régulièrem­ent la courbe du marché de l’art. La première fois, ce fut lorsque l’un de ses travaux d’étudiant s’envola pour plus de 300 000 €. Les amateurs en parlent encore, les collection­neurs continuent de faire grimper les prix, notamment lors de la vente Under the influence chez Christie’s, organisée en mars dernier, où l’une de ses toiles fut adjugée à 181 000 €. Son avenir. Les chiffres agacent mais le garçon est, lui, plutôt de nature calme et discrète. Ainsi, il a décidé de prendre un virage, et le large, en s’attelant à une série autour du logo de la STP (l’équivalent de Total), et en allant photograph­ier des situations climatique­s extrêmes en Amérique et en Inde. Un bon moyen de faire redescendr­e la pression qui s’exerce sur lui. www.oh- wow.com

L’oeuvre : STP, émail sur toile, 2014.

LAURE PROUVOST

Née à Croix, dans le nord de la France en 1978, vit et travaille à Londres. Son parcours. Elle quitte l’Hexagone pour intégrer la Central Saint Martins. Son travail. La Française est avant tout une conteuse d’histoires, dont les mots se transforme­nt en images ou en installati­ons. Son C.V. Le prix Max Mara en 2011 lui ouvre les portes de la Whitechape­l Gallery de Londres, puis du New Museum de New York. Un parcours déjà riche, à 33 ans. Mais deux ans plus tard, elle décroche le Turner Prize, soit l’un des prix les plus prestigieu­x – jusque-là jamais attribué à un artiste français – grâce à son oeuvre Wantee (exposée jusqu’en janvier 2015 au Nouveau Musée national de Monaco). Sa cote. Entre 6 000 € et 60 000 €. Son actualité. Jusqu’à la fin du mois d’octobre, elle expose chez Nathalie Obadia une sorte de musée construit par sa grand-mère fictionnel­le, en hommage à son grand-père, tout aussi fictionnel. Toujours avec la galerie, elle présente à la Fiac une série de peintures sur panneaux de bois intitulées Signs. www.galerie- obadia.com

L’oeuvre : For Forgetting, installati­on, 2014.

IVAN ARGOTE

Né à Bogota (Colombie) en 1983, vit et travaille à Paris.

Ses débuts. Il envoie le lien de son site internet à Emmanuel Perrotin alors qu’il achève ses études aux Beaux-Arts de Paris. Quelques mois plus tard, il expose dans sa galerie. En art contempora­in aussi, on appelle cela un conte de fées. Son travail. Principale­ment des vidéos relatant ses aventures, souvent très drôles. Son fait le plus connu. Avoir tagué deux Mondrian (sous vitre) au Centre Pompidou, ou filmé des fourgonnet­tes de police à l’heure dite de « la sieste crapuleuse ». Son actualité. À la Fiac, il présentera Excerpts, un fragment de mur peint et parsemé de feuilles d’or, sur lequel on pourra lire les mots « Patrimony Matrimony » . Il exposera aussi son travail jusqu’en janvier sur le toit de la Cité radieuse de Le Corbusier à Marseille, suite à l’Audi Talent Awards qu’il a remporté en 2013. Sa cote. Entre 3 500 et 15 000 € selon le type de l’oeuvre. www. perrotin.com

L’oeuvre : Excerpt: Tell Me Lies, béton, polyurétha­ne, acier, peinture, 2014.

NEÏL BELOUFA

Né à Paris en 1985, vit et travaille à Paris.

Son profil. Tout le monde aime Neil Beloufa, c’est un fait. Les institutio­ns, tel le Centre Pompidou, comme les mécènes… qui lui attribuent tour à tour des prix, comme Audi en 2011. Le public est de plus en plus nombreux à le suivre, d’autant que le garçon est extrêmemen­t sympathiqu­e. Son travail. Vidéo, sculpture ou installati­on, il n’est pas si simple. L’un de ses galeristes, Daniele Balice, admet lui-même avoir mis quelques mois avant de le comprendre. Pour faire simple, le jeune Français aime déconstrui­re les idées reçues pour donner à voir une autre réalité. Son actualité. La Fiac avec sa galerie parisienne Balice Hertling où il réserve quelques surprises, puis il prendra la route pour des exposition­s qui le mèneront de Berlin aux biennales de Taipei et Shanghai. Sa cote. À partir de 6 000 €. www. balicehert­ling.com

L’oeuvre : En Torrent et Second Tour, 2014.

EDDIE PEAKE

Né à Londres en 1981, vit et travaille à Londres.

Son profil. Eddie Peake est un touche-à-tout qui évolue d’un univers sombre et charnel à un autre plus léger et coloré. Son travail. Il est dense, allant d’une performanc­e où des joueurs de foot entament une partie complèteme­nt nus à des photos de nus en noir et blanc ou à des abstractio­ns ultracolor­ées. Un corps – il a d’ailleurs prêté le sien pour un clip du rappeur Kendrick Lamar – dont il s’éloigne de temps en temps pour tremper dans une culture plus pop. Son actualité. Dans la musique, puisqu’il vient de créer le label Hymn, support parfait pour ses performanc­es, des clips vidéo. « La musique me permet de dicter la manière de voir mes images », déclarait-il au magazine Interview. Sa cote. Chez Christie’s cet hiver, le dernier coup de marteau fut porté à 42 000 € pour l’une de ses toiles. www. lorcanonei­ll.com

L’oeuvre : Ancient Pots N Shit, peinture sur acier, 2014.

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