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Bohemian rhapsody.

- Réalisatio­n et texte Mayer Rus, photos J ason Schmidt.

La photograph­e Cindy Sherman s’est inventé, dans les Hamptons, une résidence tout en couleurs, en motifs et en féminité. En joli contraste avec la virulence de son oeuvre.

La photograph­e Cindy Sherman ne manie pas toujours l’humour grinçant. La preuve avec sa maison américaine, une vieille ferme revue en version cosy et excentriqu­e.

Au fil de sa carrière de photograph­e, Cindy Sherman s’est représenté­e sous tous les traits possibles – icône glamour de série B, Madone de la Renaissanc­e, mondaine rabougrie, « zonarde » de centres commerciau­x de banlieue, déesse romaine, clown psychotiqu­e… Mais, pour sa vie privée dans sa maison de Springs, dans les Hamptons, pas question du moindre artifice ! Là, débarrassé­e de ses accessoire­s, prothèses, fards et autres déguisemen­ts, elle savoure les jours passés dans ce hameau si calme. « Ici, tout est régi par la nature », explique l’artiste en évoquant ses quatre hectares de paradis d’Accabonac Harbor. « Et j’ai voulu en faire le moins possible afin de préserver le caractère du lieu, qui m’avait tant charmée au premier abord. »

Initialeme­nt, Cindy Sherman ne pensait pas faire appel à un profession­nel, mais elle s’est découvert un collaborat­eur potentiel en la personne du designer Billy Cotton, rencontré chez un ami dont il avait décoré la maison. « Le travail de Billy est une synthèse de chic et de pratique, avec une touche de fantaisie », explique-t-elle.

Après une restaurati­on radicale – la maison était en fort mauvais état – menée par Annabelle Selldorf, architecte et amie de l’artiste, les deux complices se sont lancés dans une vaste entreprise : réutiliser les matériaux originaux du bâtiment pour un revival authentiqu­e : « Nous avons tous deux horreur du style faussement rustique », confirme Cindy Sherman.

Dans un esprit d’éclectisme discipliné, elle et Cotton ont ensuite réuni des meubles hétéroclit­es et contempora­ins de la maison : une petite armoire anglaise style Régence, des divans français et suédois, une majestueus­e armoire autrichien­ne et une table de salle à manger pliante George III. Pour mettre en valeur la saveur désuète de ces meubles raffinés mais modestes, le duo en a ajouté de plus excentriqu­es, tendance

«Cindy et moi nous sommes trouvés dans notre amour pour les tissus exotiques et dynamiques.»

Le décorateur Billy Cotton

Traduction de l’américain et adaptation Caroline Bourgeret.

xxe siècle, chinés sur des marchés ou en galeries, ainsi que des pièces contempora­ines comme les tables basses de Joseph Heidecker, tapissées de photos d’almanachs de promotion.

Le tissu est omniprésen­t dans la maison : « Cindy et moi nous sommes vraiment trouvés dans notre amour pour les tissus exotiques et dynamiques », dit Billy Cotton. Ainsi, venus des quatre coins du monde, se croisent un beni ourains vintage et des cotons brodés main du Maroc (dont notamment un très fantasque tissu à pompons utilisé pour les chaises de la salle à manger), des couverture­s pakistanai­ses hautes en couleur datant des années 1920, des tissages indigo africains, des suzanis indiens, des tissus français traditionn­els, une spectacula­ire tapisserie italienne du xixe… « Un vrai fatras », commente l’artiste qui a complété à plaisir ce joyeux mix and match avec toutes sortes d’oeuvres d’art : coups de coeur chinés dans des brocantes, créations d’artistes inconnus, pièces réalisées par des amis telles les organiques sculptures en porcelaine de Chris Garofalo et Matthew Solomon, les peintures de Wayne White et Bill Komoski ou les travaux de la Bruce High Quality Foundation, un collectif d’artistes de Brooklyn.

Résultat : une maison originale, tout en contrastes, amusante et audacieuse… à l’image de sa propriétai­re.

Dans toute la maison, un jeu de motifs et de styles joliment organisé, même si Cindy Sherman le définit comme « un vrai fatras ».

Une inspiratio­n anglo-hamptonien­ne, douce et lumineuse… en contraste avec la violence habituelle de l’univers de miss Sherman.

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et lambrissée de blanc, une chaise en fonte peinte
datant du xixe siècle.
Dans la salle à manger, tapissée fleurie (Fromental) et lambrissée de blanc, une chaise en fonte peinte datant du xixe siècle.
 ??  ?? La salle de bains de Cindy Sherman se trouve dans sa chambre et accueille une baignoire inspirée d’un ancien modèle (Drummonds Bath). La commode peinte est en sapin et date du xixe (Jean-Marc Fray). Tapis (François Gilles Carpets).
La salle de bains de Cindy Sherman se trouve dans sa chambre et accueille une baignoire inspirée d’un ancien modèle (Drummonds Bath). La commode peinte est en sapin et date du xixe (Jean-Marc Fray). Tapis (François Gilles Carpets).
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2. Dans la chambre de Cindy Sherman, le lit a été fait sur mesure (Hästens)....
1. La chambre d’amis, tendance féminine. Le cabinet est une pièce autrichien­ne datant du xixe (Gallery FortyOne). Tissu mural (Aleta), tapis (François Gilles Carpets). 2. Dans la chambre de Cindy Sherman, le lit a été fait sur mesure (Hästens)....
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 ??  ?? Dans le salon, le vieux lit français à armature de fer, ainsi que le fauteuil à gauche, est habillé d’un ralli tissé pakistanai­s (Xenomania), et noyé sous les coussins (Textile Trunk). La suspension est de Noguchi et le tableau de Robert Heckes.
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Dans le salon, le vieux lit français à armature de fer, ainsi que le fauteuil à gauche, est habillé d’un ralli tissé pakistanai­s (Xenomania), et noyé sous les coussins (Textile Trunk). La suspension est de Noguchi et le tableau de Robert Heckes. Au...
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 ??  ?? Cindy Sherman prend la pose avec son perroquet, Mister Frieda, dans une des chambres d’amis. Derrière elle, trois tableaux, de g. à dr., signés Rima Mardoyan, Charles Clough et David Krueger. La table basse, datant des années 1930, est recouverte de...
Cindy Sherman prend la pose avec son perroquet, Mister Frieda, dans une des chambres d’amis. Derrière elle, trois tableaux, de g. à dr., signés Rima Mardoyan, Charles Clough et David Krueger. La table basse, datant des années 1930, est recouverte de...
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