Bohemian rhapsody.
La photographe Cindy Sherman s’est inventé, dans les Hamptons, une résidence tout en couleurs, en motifs et en féminité. En joli contraste avec la virulence de son oeuvre.
La photographe Cindy Sherman ne manie pas toujours l’humour grinçant. La preuve avec sa maison américaine, une vieille ferme revue en version cosy et excentrique.
Au fil de sa carrière de photographe, Cindy Sherman s’est représentée sous tous les traits possibles – icône glamour de série B, Madone de la Renaissance, mondaine rabougrie, « zonarde » de centres commerciaux de banlieue, déesse romaine, clown psychotique… Mais, pour sa vie privée dans sa maison de Springs, dans les Hamptons, pas question du moindre artifice ! Là, débarrassée de ses accessoires, prothèses, fards et autres déguisements, elle savoure les jours passés dans ce hameau si calme. « Ici, tout est régi par la nature », explique l’artiste en évoquant ses quatre hectares de paradis d’Accabonac Harbor. « Et j’ai voulu en faire le moins possible afin de préserver le caractère du lieu, qui m’avait tant charmée au premier abord. »
Initialement, Cindy Sherman ne pensait pas faire appel à un professionnel, mais elle s’est découvert un collaborateur potentiel en la personne du designer Billy Cotton, rencontré chez un ami dont il avait décoré la maison. « Le travail de Billy est une synthèse de chic et de pratique, avec une touche de fantaisie », explique-t-elle.
Après une restauration radicale – la maison était en fort mauvais état – menée par Annabelle Selldorf, architecte et amie de l’artiste, les deux complices se sont lancés dans une vaste entreprise : réutiliser les matériaux originaux du bâtiment pour un revival authentique : « Nous avons tous deux horreur du style faussement rustique », confirme Cindy Sherman.
Dans un esprit d’éclectisme discipliné, elle et Cotton ont ensuite réuni des meubles hétéroclites et contemporains de la maison : une petite armoire anglaise style Régence, des divans français et suédois, une majestueuse armoire autrichienne et une table de salle à manger pliante George III. Pour mettre en valeur la saveur désuète de ces meubles raffinés mais modestes, le duo en a ajouté de plus excentriques, tendance
«Cindy et moi nous sommes trouvés dans notre amour pour les tissus exotiques et dynamiques.»
Le décorateur Billy Cotton
Traduction de l’américain et adaptation Caroline Bourgeret.
xxe siècle, chinés sur des marchés ou en galeries, ainsi que des pièces contemporaines comme les tables basses de Joseph Heidecker, tapissées de photos d’almanachs de promotion.
Le tissu est omniprésent dans la maison : « Cindy et moi nous sommes vraiment trouvés dans notre amour pour les tissus exotiques et dynamiques », dit Billy Cotton. Ainsi, venus des quatre coins du monde, se croisent un beni ourains vintage et des cotons brodés main du Maroc (dont notamment un très fantasque tissu à pompons utilisé pour les chaises de la salle à manger), des couvertures pakistanaises hautes en couleur datant des années 1920, des tissages indigo africains, des suzanis indiens, des tissus français traditionnels, une spectaculaire tapisserie italienne du xixe… « Un vrai fatras », commente l’artiste qui a complété à plaisir ce joyeux mix and match avec toutes sortes d’oeuvres d’art : coups de coeur chinés dans des brocantes, créations d’artistes inconnus, pièces réalisées par des amis telles les organiques sculptures en porcelaine de Chris Garofalo et Matthew Solomon, les peintures de Wayne White et Bill Komoski ou les travaux de la Bruce High Quality Foundation, un collectif d’artistes de Brooklyn.
Résultat : une maison originale, tout en contrastes, amusante et audacieuse… à l’image de sa propriétaire.
Dans toute la maison, un jeu de motifs et de styles joliment organisé, même si Cindy Sherman le définit comme « un vrai fatras ».
Une inspiration anglo-hamptonienne, douce et lumineuse… en contraste avec la violence habituelle de l’univers de miss Sherman.