LA FERME D’ART
C’est avec l’aide de l’architecte Luis Laplace que les galeristes Hauser & Wirth ont transformé une ferme abandonnée du xve siècle en maison d’artistes et d’hôtes, centre de rencontres et de création.
C’est la campagne anglaise dans le vent : les créatrices de mode Phoebe Philo, Alice Temperley, le cinéaste Julien Temple, l’écrivain Helena Drysdale, le photographe Don McCullin aiment son aspect encore totalement rural à deux heures au nord-ouest de Londres. Ce coin du Somerset avec ses ciels changeants, ses étendues vallonnées, ses champs bordés de bosquets, a également séduit Iwan et Manuela Wirth et la mère de cette dernière, Ursula Hauser, qui décident tous les trois, en 2007, d’acquérir Durslade Farm et ses terres près de Bruton. Pour ces galeristes d’art contemporain qui choisissent leurs lieux avec un soin particulier – ils ont commencé leur aventure artistique dans l’ancienne brasserie Löwenbräu de Zurich en 1996, l’ont poursuivie à Londres dans une ancienne banque dessinée par Edwin Lutyens en 1922 avant d’investir l’ancien Roxy Roller Disco Rink à New York –, le choix ne s’est pas fait au hasard. À l’architecte Luis Laplace, installé à Paris depuis dix ans, ils ont demandé de se pencher sur le projet : d’une part, la restauration de la ferme, un lieu classé, et sa transformation en maison d’hôtes. De l’autre, la création d’extensions pour les galeries et le restaurant.
Pour l’architecte argentin, à l’esprit curieux et habitué à concevoir des maisons aussi différentes que l’appartement de Cindy Sherman à Paris ou une villa minimale à Ibiza, pas question d’appliquer une formule toute faite. Il faut d’abord s’imprégner du contexte. Luis Laplace commence donc par faire gratter les murs. Les couches de papiers peints et de peintures successives l’inspirent, tout comme d’anciennes cheminées ou fenêtres qui réapparaissent. L’architecte assume l’effet parfois un peu chaotique de ces superpositions, avec des murs aux différentes finitions. Il s’amuse aussi avec les couleurs et n’hésite pas à peindre l’entrée et l’escalier d’un rouge vif brillant. Les oeuvres d’art ont été soigneusement choisies, on s’en doute. Les meubles, eux, proviennent des brocantes des alentours – mais les fauteuils sont recouverts des tissus Du long et du lé, connus des initiés de la décoration, les tapis viennent de chez Kinnasand et les lits sont super confortables. Un look quelque peu shabby, élimé, mais chic et soigné.
Les chambres accueillent les artistes en résidence, les clients, les amis, mais aussi ceux qui s’intéressent à l’art contemporain et veulent vivre avec, le temps d’un week-end à la campagne. Une nouvelle expérience où se mêlent art, architecture, jardin, nourriture et paysage. La ferme, le restaurant (inspiré par la cuisine locale bien sûr), la librairie, le centre de rencontres avec des artistes, le jardin (conçu par Piet Oudolf) et les galeries font de ce lieu inédit un nouveau terrain fertile dans ce coin d’Angleterre.
« Peintures, papiers, enduits… j’ai voulu que les couches successives des murs soient mises à jour. Pour raconter l’histoire de la maison. »
Le décorateur Luis Laplace
www.hauserwirthsomerset.com
Les murs vidéos de pipilotti rist
Résidente de Durslade Farm entre les étés 2012 et 2013, l’artiste suisse y a créé, dans le salon principal, Mary Down Up,
une installation vidéo, comme une fresque mouvante. Composée de captations de la nature environnante, l’oeuvre, projetée sur deux murs, projette elle-même les ombres d’un mobile réunissant
des objets et verroteries trouvées par Pipilotti Rist sur place. Un hommage au lieu et une mise en lumière de son histoire secrète et quotidienne, à travers les petits objets domestiques suspendus.
Époques, styles, oeuvres signées et brocantes
anonymes se mélangent : un lieu classé mais pas pour autant figé dans le temps.
la fresque de guillermo kuitca
Pendant cinq semaines, dès juin 2013, le peintre argentin a réalisé ce mural englobant toute la salle à manger. L’idée lui en est venue parce que Durslade Farm était en chantier et que ce travail au milieu des échafaudages lui évoquait les fresquistes du XVIIe siècle. Il partit alors dans une improvisation, assisté par l’artiste local Jackie Brooks et influencé par la lumière de la saison : celle-ci lui donna envie de touches de couleur, avivant sa gamme habituelle.