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UNE GALERIE GRANDEUR NATURE

- Texte Alix Browne, photos J ason Schmidt.

De l’espace ! C’est ce que voulait ce couple de New-Yorkais pour assouvir leur collection­nite aiguë. Leur propriété et leur maison servent maintenant de terrain de jeux à leurs artistes préférés.

Tout près de New York, dans un verdoyant coin de la vallée de l’Hudson, des choses étranges sortent de terre depuis douze ans. Un amas de boules de béton, un gigantesqu­e escalier hélicoïdal effondré ou encore de curieux objets colorés éparpillés, comme des jouets abandonnés par un géant. Une récolte surprenant­e – des sculptures respective­ment signées Sol LeWitt, Monika Sosnowska et Franz West – qui en dit moins sur la qualité de la terre que sur le couple qui l’a mise en culture. Avant d’acquérir cette lande de 161 hectares – une ancienne ferme –, le tandem, qui siège au conseil de plusieurs institutio­ns culturelle­s, n’avait jamais possédé de maison de campagne. « On regardait les autres charger leur voiture le vendredi soir pour rejoindre leur résidence secondaire et on en plaisantai­t, raconte l’épouse, une citadine invétérée. Mais nous sommes des collection­neurs de sculptures, et pratiquer notre passion dans un appartemen­t new-yorkais, c’est un peu difficile... »

L’architecte paysagiste Michael Van Valkenburg­h a été leur premier interlocut­eur. Il a eu pour tâche d’offrir aux artistes « l’équivalent des murs blancs d’un musée ou d’une galerie » … mais en gazon. Au début, les deux propriétai­res étaient réticents à l’idée d’y édifier une maison, affirmant que tout ce qu’ils souhaitaie­nt, c’était de l’espace pour leurs sculptures, un barbecue et une tente. Mais ils ont finalement recruté l’architecte Brad Cloepfil pour dessiner la maison principale ainsi que celle des invités, et réhabilite­r la grange. Sans hésiter pour lui demander l’impossible. « Pour la première fois de ma carrière, j’ai dû tout reprendre à zéro. Et même à deux reprises ! » souligne l’architecte, qui a dessiné un plan époustoufl­ant, en forme de symbole de l’infini avec deux porte-à-faux de douze mètres. Une véritable création en soi.

« Faites quelque chose que vous n’avez encore jamais réalisé », telle était la consigne donnée par les propriétai­res aux artistes.

Sur le chantier, le choix des oeuvres a constitué la partie la plus facile. Pour habiller l’immense terrain, nos collection­neurs ont passé une commande un peu spéciale auprès des artistes, plaçant la barre très haut : « Faites quelque chose que vous n’avez encore jamais réalisé. » Leur souci était moins d’avoir une pièce unique que de satisfaire leur plaisir de collection­neurs et d’assister au processus de création. « Nous voulions des artistes avec qui dialoguer. Nous ne faisons pas dans le “plop art ”, un art qui vous tombe tout cru dans la bouche... » C’est aux artistes de choisir l’emplacemen­t pour lequel sera créée leur oeuvre. Ainsi, le Danois Jeppe Hein est à l’honneur à deux reprises avec Modified Social Bench (2006) et Site Rotating Pavilion (2008), un labyrinthe de miroirs dans la forêt. « C’était une installati­on ambitieuse, confie l’artiste. Il a fallu pour l’installer bâtir de profondes fondations, construire une route pour évacuer les gravats avec des camions. Mais, une fois la pièce en place, tout a disparu. C’était comme si la forêt et la nature étaient restées intactes. » À tel point qu’une nuée de dindes, pensant que leur territoire avait été colonisé par d’autres, attaquaien­t leur propre reflet dans les miroirs ! « Quelqu’un a eu l’idée de répandre de l’urine de renard autour de l’oeuvre et le problème était réglé ! »

Alors que le peintre allemand Franz Ackermann réclame deux pans de mur de la salle à manger pour sa fresque Inhabitat Hills (2011), le vidéaste américain Doug Aitken s’octroie la façade entière avec Lighthouse (2012), une projection multiple d’éléments de nature filmés à différente­s saisons. « Et, en ce moment, remarque la propriétai­re des lieux, une artiste essaie de savoir si elle peut couler du bronze sur le site... »

Traduction de l’américain et adaptation Julie Michon.

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 ??  ?? Au milieu de la forêt, une oeuvre du Danois Jeppe Hein, Site Rotating Pavillion (2008).
Au milieu de la forêt, une oeuvre du Danois Jeppe Hein, Site Rotating Pavillion (2008).
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1. Dans la salle à manger ouverte sur la cuisine, la fresque Inhabitat Hills (2011) de l’Allemand Franz Ackermann occupe deux pans de mur. Applique de Serge Mouille, fauteuil et son ottoman Womb Chair d’Eero Saarinen (Knoll). Sur le buffet bas, à...
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Dans l’atrium, le visiteur est accueilli par la sculpture People Feeder : 4 (2010) de Rob Pruitt, tout en pneus. En haut, sur la partie supérieure de la façade, l’Américain Mel Bochner a installé To Count : Intransiti­ve (1972-2009), soit dix panneaux...
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 ??  ?? 1. Dans une clairière, l’oeuvre Dome Structure (2006) de Sol Le Witt, spécialeme­nt conçue par l’artiste pour les lieux.
2. La façade de la maison, investie par le vidéaste américain Doug Aitken. Son oeuvre Lighthouse (2012), une projection d’images de...
1. Dans une clairière, l’oeuvre Dome Structure (2006) de Sol Le Witt, spécialeme­nt conçue par l’artiste pour les lieux. 2. La façade de la maison, investie par le vidéaste américain Doug Aitken. Son oeuvre Lighthouse (2012), une projection d’images de...
 ??  ?? 1. Les lignes rigoureuse­s de Container #2 (2008), du Mexicain Jose Dávila, tranchent avec le foisonneme­nt confus de la forêt.
2. Dans le salon, la sculpture Signature Roll (2010) de l’Américaine Rachel Harrison est surmontée d’une oeuvre conceptuel­le...
1. Les lignes rigoureuse­s de Container #2 (2008), du Mexicain Jose Dávila, tranchent avec le foisonneme­nt confus de la forêt. 2. Dans le salon, la sculpture Signature Roll (2010) de l’Américaine Rachel Harrison est surmontée d’une oeuvre conceptuel­le...

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