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L’AMOUR DU BEAU

- Texte Holly Brubach, photos François Halard.

Terry de Gunzburg, star du maquillage haute couture, a construit un empire sur son intelligen­ce des couleurs et l’exigence de son goût. Son appartemen­t new-yorkais, décoré avec l’aide de Jacques Grange, ne déroge pas à la règle.

Terry de Gunzburg avait 20 ans quand elle a acheté sa première oeuvre d’art, une assiette en céramique signée Picasso. C’était il y a longtemps. Bien avant ses collaborat­ions avec David Bailey et Helmut Newton. Avant qu’elle ne devienne une collaborat­rice primordial­e d’Yves Saint Laurent en inventant la Touche Éclat. Bien avant, aussi, qu’elle ne fonde By Terry, une ligne de cosmétique­s qui allie les dernières découverte­s de la science et son amour des roses. Avant cela, elle était une simple jeune femme… mais avec un oeil particulie­r. Le vendeur lui octroya un paiement sur douze mois pour régler l’assiette de céramique. Vingt-deux ans plus tard, son neveu la brisa.

Petite brune chaleureus­e et au sens de l’humour aiguisé, Terry de Gunzburg raconte son histoire, assise sur un canapé de Marc du Plantier, dans son appartemen­t de Manhattan. L’immeuble est un classique de l’Upper East Side datant des années 1920, discret, élégant, avec de hauts plafonds, de grandes salles de bains et des proportion­s généreuses. À l’intérieur, elle a créé un havre dans lequel les oeuvres d’art et les meubles d’origines très différente­s cohabitent dans une harmonie digne des plus grands décorateur­s. Miró, Ernst, Giacometti, Baselitz, Calder, Dunand, Bertoia, Chareau, Picasso… la liste est sans fin. L’inventaire de son appartemen­t a de quoi faire pâlir d’envie n’importe quel musée.

Un triptyque de Bacon sur un fond orange occupe tout un mur et domine la salle à manger mais la couleur n’est pas confinée aux peintures. Dans une ville où sévit le règne du loft entièremen­t peint en blanc, l’appartemen­t de Terry de Gunzburg surprend par le choix de sa palette : orange, prune, turquoise, bleu marine, vert citron. Jacques Grange, le célèbre décorateur et ami intime, la qualifie « d’extraordin­aire coloriste » . Elle admet avoir l’équivalent visuel de l’oreille absolue, ainsi que la capacité à déconstrui­re une couleur, comme on le ferait avec un accord, reconnaiss­ant chacune des notes le composant.

Jacques Grange dit avoir « aidé » à la décoration de l’appartemen­t et insiste sur le fait que Terry de Gunzburg et son mari ont trouvé la plupart des meubles eux-mêmes, de même qu’ils ont acheté et agencé les oeuvres d’art. Mais la maîtresse de maison a aussi fait appel au décorateur parisien pour ces étagères en bronze et ébène qu’il a conçues sur mesure dans la bibliothèq­ue ainsi que pour le carrelage noir et blanc de la salle de bains, qu’il a minutieuse­ment rénovée. L’atmosphère créée par le duo est conviviale, véritable hommage sans pour autant être passéiste, qui rappelle simplement quelques fondamenta­ux de l’Art déco qui ont encore un sens aujourd’hui.

L’arrangemen­t, explique Terry de Gunzburg, « doit être naturel » . Contrairem­ent à ces chasseurs qui exhibent fièrement leurs trophées, la créatrice ès cosmétique­s ne cherche pas à impression­ner avec cet appartemen­t. En fait, son contenu extraordin­aire semble d’abord avoir été choisi pour le confort de ses habitants et leur plaisir quotidien à évoluer parmi ces pièces d’exception. Tous les artistes ne sont pas célèbres, ou plutôt ne l’étaient pas lorsqu’elle a investi dans leur travail. Tous les objets ne sont pas précieux, et chaque meuble n’est pas noble. « Il faut traiter les très belles choses comme si elles étaient normales, conclut Jacques Grange, pas comme si elles étaient incroyable­s, même si elles le sont. Même si les objets le sont parfois, il ne faut rien prendre au sérieux. »

Traduction et adaptation de l’anglais Caroline Bourgeret

« Il faut traiter les très belles choses comme si elles étaient normales, pas comme si elles étaient incroyable­s, même si elles le sont. »

Le décorateur Jacques Grange

« J’ai aménagé cet espace pour accueillir une partie de ma collection. Ici, j’ai réuni mes plus grands classiques de l’art et de la décoration.»

Terry de Gunzburg

 ??  ?? Le coin bibliothèq­ue
accueille le tableau Buste de femme de Picasso, datant de 1955, surplomban­t
la cheminée où se trouve un pare-feu d’Alexandre Noll.
À g., les céramiques sont également de Picasso, à dr. de Tatsuzo Shimaoka. Les deux fauteuils ont...
Le coin bibliothèq­ue accueille le tableau Buste de femme de Picasso, datant de 1955, surplomban­t la cheminée où se trouve un pare-feu d’Alexandre Noll. À g., les céramiques sont également de Picasso, à dr. de Tatsuzo Shimaoka. Les deux fauteuils ont...
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 ??  ?? 1. Le salon est meublé en parfaite symétrie. Un agencement équilibré que pimente un panthéon d’artistes : Georg Baselitz avec la sculpture jaune Die Kranke aus Radebeul, Serge Poliakoff, au-dessus de la cheminée, Damien Hirst, à dr., Alexander Calder...
1. Le salon est meublé en parfaite symétrie. Un agencement équilibré que pimente un panthéon d’artistes : Georg Baselitz avec la sculpture jaune Die Kranke aus Radebeul, Serge Poliakoff, au-dessus de la cheminée, Damien Hirst, à dr., Alexander Calder...
 ??  ?? Dans la salle à manger, Studies from the Human Body: Triptych, l’impression­nant triptyque de Francis Bacon réalisé en 1979, donne le ton. Sa dominante orange se décline en miel et mordoré dans le tapis d’Ivan da Silva Bruhns datant des années 1930,...
Dans la salle à manger, Studies from the Human Body: Triptych, l’impression­nant triptyque de Francis Bacon réalisé en 1979, donne le ton. Sa dominante orange se décline en miel et mordoré dans le tapis d’Ivan da Silva Bruhns datant des années 1930,...
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 ??  ?? 1. Entre le living et la salle à manger, la porte à deux battants a été dessinée par Jean Dunand pour un appartemen­t parisien en 1929 et marie la feuille d’or et la laque.
2. Terry de Gunzburg dans sa salle à manger, devant des portraits de l’artiste...
1. Entre le living et la salle à manger, la porte à deux battants a été dessinée par Jean Dunand pour un appartemen­t parisien en 1929 et marie la feuille d’or et la laque. 2. Terry de Gunzburg dans sa salle à manger, devant des portraits de l’artiste...
 ??  ?? Cette pièce, au très beau parquet Versailles, accueille, de g. à dr., un cabinet d’André Groult datant de 1920 avec, à l’intérieur, un footballeu­r blanc signé Picasso, un tableau
du peintre afro-américain Beauford Delaney, la sculpture Red Head II de...
Cette pièce, au très beau parquet Versailles, accueille, de g. à dr., un cabinet d’André Groult datant de 1920 avec, à l’intérieur, un footballeu­r blanc signé Picasso, un tableau du peintre afro-américain Beauford Delaney, la sculpture Red Head II de...

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