L’AMOUR DU BEAU
Terry de Gunzburg, star du maquillage haute couture, a construit un empire sur son intelligence des couleurs et l’exigence de son goût. Son appartement new-yorkais, décoré avec l’aide de Jacques Grange, ne déroge pas à la règle.
Terry de Gunzburg avait 20 ans quand elle a acheté sa première oeuvre d’art, une assiette en céramique signée Picasso. C’était il y a longtemps. Bien avant ses collaborations avec David Bailey et Helmut Newton. Avant qu’elle ne devienne une collaboratrice primordiale d’Yves Saint Laurent en inventant la Touche Éclat. Bien avant, aussi, qu’elle ne fonde By Terry, une ligne de cosmétiques qui allie les dernières découvertes de la science et son amour des roses. Avant cela, elle était une simple jeune femme… mais avec un oeil particulier. Le vendeur lui octroya un paiement sur douze mois pour régler l’assiette de céramique. Vingt-deux ans plus tard, son neveu la brisa.
Petite brune chaleureuse et au sens de l’humour aiguisé, Terry de Gunzburg raconte son histoire, assise sur un canapé de Marc du Plantier, dans son appartement de Manhattan. L’immeuble est un classique de l’Upper East Side datant des années 1920, discret, élégant, avec de hauts plafonds, de grandes salles de bains et des proportions généreuses. À l’intérieur, elle a créé un havre dans lequel les oeuvres d’art et les meubles d’origines très différentes cohabitent dans une harmonie digne des plus grands décorateurs. Miró, Ernst, Giacometti, Baselitz, Calder, Dunand, Bertoia, Chareau, Picasso… la liste est sans fin. L’inventaire de son appartement a de quoi faire pâlir d’envie n’importe quel musée.
Un triptyque de Bacon sur un fond orange occupe tout un mur et domine la salle à manger mais la couleur n’est pas confinée aux peintures. Dans une ville où sévit le règne du loft entièrement peint en blanc, l’appartement de Terry de Gunzburg surprend par le choix de sa palette : orange, prune, turquoise, bleu marine, vert citron. Jacques Grange, le célèbre décorateur et ami intime, la qualifie « d’extraordinaire coloriste » . Elle admet avoir l’équivalent visuel de l’oreille absolue, ainsi que la capacité à déconstruire une couleur, comme on le ferait avec un accord, reconnaissant chacune des notes le composant.
Jacques Grange dit avoir « aidé » à la décoration de l’appartement et insiste sur le fait que Terry de Gunzburg et son mari ont trouvé la plupart des meubles eux-mêmes, de même qu’ils ont acheté et agencé les oeuvres d’art. Mais la maîtresse de maison a aussi fait appel au décorateur parisien pour ces étagères en bronze et ébène qu’il a conçues sur mesure dans la bibliothèque ainsi que pour le carrelage noir et blanc de la salle de bains, qu’il a minutieusement rénovée. L’atmosphère créée par le duo est conviviale, véritable hommage sans pour autant être passéiste, qui rappelle simplement quelques fondamentaux de l’Art déco qui ont encore un sens aujourd’hui.
L’arrangement, explique Terry de Gunzburg, « doit être naturel » . Contrairement à ces chasseurs qui exhibent fièrement leurs trophées, la créatrice ès cosmétiques ne cherche pas à impressionner avec cet appartement. En fait, son contenu extraordinaire semble d’abord avoir été choisi pour le confort de ses habitants et leur plaisir quotidien à évoluer parmi ces pièces d’exception. Tous les artistes ne sont pas célèbres, ou plutôt ne l’étaient pas lorsqu’elle a investi dans leur travail. Tous les objets ne sont pas précieux, et chaque meuble n’est pas noble. « Il faut traiter les très belles choses comme si elles étaient normales, conclut Jacques Grange, pas comme si elles étaient incroyables, même si elles le sont. Même si les objets le sont parfois, il ne faut rien prendre au sérieux. »
Traduction et adaptation de l’anglais Caroline Bourgeret
« Il faut traiter les très belles choses comme si elles étaient normales, pas comme si elles étaient incroyables, même si elles le sont. »
Le décorateur Jacques Grange
« J’ai aménagé cet espace pour accueillir une partie de ma collection. Ici, j’ai réuni mes plus grands classiques de l’art et de la décoration.»
Terry de Gunzburg