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LA DÉCOUVERTE.

On s’envole pour Fire Island, haut lieu de villégiatu­re new-yorkais, pour découvrir entre les dunes une architectu­re balnéaire unique, toute de bois.

- Par Sophie Pinet, photos Joss McKinley.

Manhattan se réveille à peine, pourtant son ballet de sirènes retentit déjà. La moiteur de cette fin de printemps lève le doute, s’il y en avait encore un, sur la tendance des jours à venir : Long Island comme son « Expressway » seront pris d’assaut ce week- end, et ce jusqu’à Montauk, son ultime morceau de terre avant la mer… Il faut donc partir avant que l’asphyxie ne gagne la ville et son trafic, rouler une cinquantai­ne de miles jusqu’aux portes des Hamptons, puis tourner à droite vers Sayville, petit port paisible où les typographi­es des enseignes sur les devantures nous font goûter à une autre époque, celle de la fin des années 1960 ; celle où, juste en face, de l’autre côté de la baie, tout a commencé. Fire Island est un bras de sable de 48 km sans attaches, comme un dernier rempart avant le grand large, que l’on atteint en ferry, et dont le nom – dont on n’a jamais retrouvé l’origine – évoque pour certains cette immense fête à ciel ouvert, entamée par la communauté gay il y a tout juste soixante ans. Après 30 minutes de bateau, les points de suspension que forme l’île au loin deviennent plus nets. Bienvenue à The Pines, coeur de la communauté dès l’arrivée des beaux jours,

et terrain de jeux de l’architecte Horace Gifford et d’une poignée d’autres qui comme lui ont bâti cette oasis de villas en bois. Cet ensemble de maisons d’un style très particulie­r compte aujourd’hui parmi les plus beaux spécimens d’architectu­re de plage de cette époque – ou comment abriter une vie de plaisirs, face à l’océan. Scott Bromley et son quad nous attendent sur le ponton. Ici, ni voitures ni vélos, la seule route étant trop ensablée pour pouvoir parcourir le moindre mètre. Scott était déjà sur l’île aux prémices de la fête, avant que le virus du sida n’assombriss­e celle-ci, s’amusant sur la plage, nu comme un ver, avec ses amis sous l’objectif de Tom Bianchi (qui a immortalis­é cette époque dans un livre de Polaroids devenu mythique pour la culture gay). Aujourd’hui il est devenu une figure locale : il a été l’architecte du célèbre club Studio 54 à New York ; il a aussi connu Horace Gillford et ses confrères,

attirés par ce paysage composé de pins et de dunes, dont le pouvoir érotique fut tant célébré. Ce sont eux qui ont semé sur cette étroite langue de sable cette série de villas en bois de formes simples, sans frontière entre intérieur et extérieur, faites pour voir comme pour se montrer. Car c’est une règle d’or à Fire Island : on y cultive l’exubérance depuis toujours, surtout depuis l’époque où, aux États-Unis, l’homosexual­ité était considérée comme une perversion. Aujourd’hui, les seules barrières qui demeurent sont celles qui ondulent le long de la plage, pour protéger les dunes. Tout le reste est entièremen­t dédié aux plaisirs de la chair et de la fête, sur un site d’une insolente beauté dans lequel beaucoup ont reconnu le paradis.

 ??  ?? EN BORD D’OCÉAN, la maison surnommée « TV house » a été construite en 1967 par Edwin Wittstein et Robert Miller.
EN BORD D’OCÉAN, la maison surnommée « TV house » a été construite en 1967 par Edwin Wittstein et Robert Miller.
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 ??  ?? CETTE MAISON, construite en 1965 par Horace Gifford et surnommée la Kodak House en raison de sa ressemblan­ce avec un boîtier de la marque, déroule ses terrasses autour d’un espace central. C’est le coeur du lieu, où l’on se retrouvait pour danser.
CETTE MAISON, construite en 1965 par Horace Gifford et surnommée la Kodak House en raison de sa ressemblan­ce avec un boîtier de la marque, déroule ses terrasses autour d’un espace central. C’est le coeur du lieu, où l’on se retrouvait pour danser.

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