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Minéral et organique

D’une petite ruine dominant la baie de Macari, le designer Jean-Pascal Lévy Trumet a fait une constructi­on simple et élégante, meublée de créations dessinées sur mesure.

- Réalisatio­n Thibaut Mathieu, texte Serge Gleizes, photos Aurélien Chauvaud.

Sept hectares situés à trois cents mètres d’altitude, dominant, neuf cents mètres plus loin, la mer, étal indigo dans lequel le ciel se mire. Autour de la demeure, la nature, sauvage, se compose de plus de trois mille plantes méditerran­éennes que Jean-Pascal Lévy Trumet, séduit par ce site cosmique écrasé par le soleil, a plantées autour d’un olivier de plus de 450 ans offert pour son anniversai­re. L’été, la moindre herbe s’assèche, excepté le jardin potager et les arbres fruitiers que le designer entretient avec dévotion. L’hiver, la vie continue au ralenti, d’autres fleurs éclosent. Isolé, le lieu est néanmoins riche en rencontres singulière­s, avec les papillons, les insectes aux carapaces mordorées, les grillons égrenant leurs berceuses, les couleuvres noires qui filent dès qu’elles entendent un bruit, les chats sauvages, les lapins qui gambadent tranquille­ment autour de la maison, et un renard qui est venu tous les soirs d’un été particuliè­rement chaud quémander son dîner – pour disparaîtr­e un beau jour. « Je n’avais pas pris de vacances depuis 1998, raconte cet autodidact­e qui travaillai­t alors dans l’événementi­el et ne se prétend ni architecte ni architecte d’intérieur. J’étais exténué et je suis parti en Sicile. D’emblée, l’île m’a séduit et j’y ai passé ensuite des vacances successive­s. Jusqu’au jour où j’ai découvert ce terrain face à la mer. Un coup de foudre ! J’ai commencé par y faire construire une petite maison, qui est devenue aujourd’hui ma résidence principale. »

LA SIMPLICITÉ COMME RÈGLE

Le site a donc édicté la tonalité de la demeure, faite de pierres ramassées sur le terrain, et qui semblent avoir été posées l’une après l’autre. Elles composent également les encadremen­ts des nombreuses ouvertures, bénéfician­t toutes d’une vue spectacula­ire. « Que voit-on par cette fenêtre ? C’est la question que je me suis posée pour définir l’emplacemen­t de chacune d’entre elles », explique Jean-Pascal Lévy Trumet, qui considère que créer de trop grandes baies vitrées aurait été un contresens esthétique, voire une faute de goût. À l’intérieur, la simplicité est la règle, murs peints de la couleur bleu gris du ciel au lever du jour, sols en marbre Biliemi (sous lequel a été placé le chauffage

et où, en été, coule une eau glacée). Ici, pas d’air conditionn­é, d’autant que la brise passant par les multiples ouvertures fait planer ses effluves enchantés. En tout, cent mètres carrés comprenant un salon, une chambre, une salle de bains, une cuisine – sans oublier la terrasse d’une superficie égale qui entoure la maison. Une grande partie du mobilier a été dessinée par le designer, dans la ligne et l’esprit de ses propres collection­s, matières authentiqu­es, lignes épurées et organiques, coloris neutres et chic.

AUSTÉRITÉ ET SENSUALITÉ

Le métier de scénograph­e de Jean-Pascal Lévy Trumet se retrouve dans la conception de cette maison, où il a privilégié la lumière et les volumes sans qu’ils soient excessifs, attachant une grande importance aux circulatio­ns dans l’espace (legs de ses anciens travaux dans la danse contempora­ine et le spectacle vivant). Parti pris qui se retrouve également dans les lignes de luminaires et de mobilier Cubic Root qu’il dessine et fait réaliser en Inde. Du métal en grande majorité, du marbre également pour des tables ou des pièces réalisées dans un seul bloc, des revêtement­s en cuivre brûlé au chalumeau, des matières nobles et parfois un brin austères qu’il arrondit afin de les rendre plus humaines. « Le vécu

est capital dans tout ce que je fais, confirme-t-il, comme la recherche des similitude­s structurel­les et graphiques entre le vivant, le micro-organique et le monde minéral ou végétal, c’est-à-dire entre la nature, la terre, les plantes et le corps humain, entre les fibres végétales et les fibres musculaire­s, le corail et les veines… J’aime donner aux objets plusieurs angles de lisibilité, une certaine théâtralit­é et provocatio­n, mais également de la fragilité et de l’humour, et cela malgré leur apparence. J’aime les rendre proches de nous. »

 ??  ?? L’ENTRÉE, avec son sol en marbre Biliemi. À droite, dans l’alcôve donnant sur la cuisine est posée une carafe argentée de Iosa Ghini. Contre le mur, une chaise en plastique de Joe Colombo, 1970. Suspension de Carlo Nason (Mazzega), chinée aux puces de...
L’ENTRÉE, avec son sol en marbre Biliemi. À droite, dans l’alcôve donnant sur la cuisine est posée une carafe argentée de Iosa Ghini. Contre le mur, une chaise en plastique de Joe Colombo, 1970. Suspension de Carlo Nason (Mazzega), chinée aux puces de...
 ??  ?? LA MAISON, au pied de la montagne, vue depuis une falaise. Tout en pierre du pays, elle s’intègre parfaiteme­nt à la nature aride, rebelle et rocailleus­e.
LA MAISON, au pied de la montagne, vue depuis une falaise. Tout en pierre du pays, elle s’intègre parfaiteme­nt à la nature aride, rebelle et rocailleus­e.
 ??  ?? DANS LE SALON, à droite du sofa en cuir Extra Soft (Living Divani), un tronc de palmier fait office de bout de canapé. Sur le tapis en mouton dessiné par Jean-Pascal Lévy Trumet, des tabourets de traite chinés. La cheminée d’angle peut, en hiver, avoir...
DANS LE SALON, à droite du sofa en cuir Extra Soft (Living Divani), un tronc de palmier fait office de bout de canapé. Sur le tapis en mouton dessiné par Jean-Pascal Lévy Trumet, des tabourets de traite chinés. La cheminée d’angle peut, en hiver, avoir...

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