Revival fifties
Signée Rudolph Schindler, cette maison est un parfait symbole de l’architecture californienne des années 1950. La décoratrice Pam Shamshiri vient de la réhabiliter, pour y vivre en famille. Un univers absolument vintage, absolument contemporain.
C’est au début de sa carrière que le Viennois Rudolph Schindler découvrit, au sud- ouest des États-Unis, les habitations en adobe des Indiens Anasazi. Il en garda une réelle fascination, que l’on retrouve dans une de ses master pieces, cette maison perchée sur les collines d’Hollywood, commandée par un certain Richard Flechner en 1947. Structure ouverte qui embrasse le paysage, immenses baies vitrées, flot de lumière naturelle et conception chaleureuse qu’accroît le revêtement intérieur en simple contreplaqué, c’est l’exemple type de l’oeuvre d’architecte de l’après-guerre, une habitation expressionniste pour l’ère moderne.
ESPRIT, OÙ ES-TU ?
Dès son acquisition, en 2008, l’architecte d’intérieur Pamela Shamshiri savait que le projet allait être ardu, très ardu. Forte de son expérience au sein du collectif Commune – qu’elle a fondé avec son frère Ramin, Roman Alonso et Steven Johanknecht –, elle connaissait les challenges de cette réhabilitation en forme de retour à l’original. Car, depuis les années 1950, huit propriétaires s’étaient succédé et la maison, de majestueuse était devenue banale : les murs et la surprenante cheminée en métal avaient été recouverts de placage de plâtre, les colonnes de briques qui l’encadraient étaient habillées de granit noir, les fenêtres d’origine avaient changé. Le dessus de bar en miroir et la table pliable avaient disparu mais, en revanche, une pimpante et incongrue mosaïque tapissait la cuisine. Certains des espaces extérieurs, sur les deux niveaux, avaient été clos – ce qui n’était pas forcément une mauvaise idée mais le travail avait été bâclé. Bref, comme l’avoue Pam Shamshiri, « c’était navrant. Tout l’esprit de la maison était parti. » Et ledit esprit se mit à la hanter. Huit ans plus tard, la maison, non contente d’être une création de Schindler ayant échappé à une mort annoncée, est aussi le reflet de l’esthétique de Pam Shamshiri, tendance Californie cool fin xxe relevée de touches organico-primitives.
UN HOMMAGE SANS DÉVOTION
Pam Shamshiri a tout de suite su que la clé pour faire de la Lechner House une maison contemporaine consistait à éviter une dévotion servile pour l’oeuvre de Rudolph Schindler… afin de mieux en faire ressortir les traits les plus brillants. Plusieurs choses allaient dans son sens : tous les plans avaient été méticuleusement archivés à l’université de Santa Barbara. Une fois le placage en plâtre retiré, Pam Shamshiri retrouva le contreplaqué original, numéroté de la main de Schindler. Elle fit remettre en place les huisseries des fenêtres désirées par l’architecte. La cheminée a, elle, retrouvé son manteau de métal, ses colonnes de brique et les sofas asymétriques – étroits d’un côté, larges de l’autre – qui l’encadraient. Le bar façon James Bond ainsi que la table pliable avec ses chaises escamotables ont été copiés à l’identique.
Une fois ceci fait, Pam Shamshiri a su adapter le mieux possible l’original à l’art de vivre californien contemporain : circulation fluide, cuisine ouverte sur le living… Des changements qui, sans coup d’éclat, prouvent que le travail des grands architectes modernistes peut être «revisité» sans rien perdre de son éclat. Élevée dans un milieu globetrotter partageant son temps entre l’Iran – pays d’origine de son père – et l’Italie – patrie de sa mère –, elle a envisagé ici la vie familiale comme un work in progress : hors de question pour elle de vivre dans un cadre muséal. « Je me suis souvent demandé ce que pourrait encore faire Schindler ici s’il était vivant. Lui qui réactualisait sans cesse ses maisons, il ne les voyait pas comme étant figées dans la pierre » , confie-t-elle. D’ailleurs ses propres enfants, Reza et Basel, 12 et 6 ans, ne semblent pas intimidés de vivre dans une telle « institution » : « Ils trouvent que l’endroit est cool. Et y a-t-il un meilleur signe de sa valeur quand, soixante-dix ans plus tard, pour eux, c’est à la fois une maison et un moment d’histoire. » Traduction et adaptation de l’anglais Renaud Legrand