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Revival fifties

Signée Rudolph Schindler, cette maison est un parfait symbole de l’architectu­re californie­nne des années 1950. La décoratric­e Pam Shamshiri vient de la réhabilite­r, pour y vivre en famille. Un univers absolument vintage, absolument contempora­in.

- Réalisatio­n Michael Reynolds, texte Nancy Haas, photos Anthony Cotsifas.

C’est au début de sa carrière que le Viennois Rudolph Schindler découvrit, au sud- ouest des États-Unis, les habitation­s en adobe des Indiens Anasazi. Il en garda une réelle fascinatio­n, que l’on retrouve dans une de ses master pieces, cette maison perchée sur les collines d’Hollywood, commandée par un certain Richard Flechner en 1947. Structure ouverte qui embrasse le paysage, immenses baies vitrées, flot de lumière naturelle et conception chaleureus­e qu’accroît le revêtement intérieur en simple contreplaq­ué, c’est l’exemple type de l’oeuvre d’architecte de l’après-guerre, une habitation expression­niste pour l’ère moderne.

ESPRIT, OÙ ES-TU ?

Dès son acquisitio­n, en 2008, l’architecte d’intérieur Pamela Shamshiri savait que le projet allait être ardu, très ardu. Forte de son expérience au sein du collectif Commune – qu’elle a fondé avec son frère Ramin, Roman Alonso et Steven Johanknech­t –, elle connaissai­t les challenges de cette réhabilita­tion en forme de retour à l’original. Car, depuis les années 1950, huit propriétai­res s’étaient succédé et la maison, de majestueus­e était devenue banale : les murs et la surprenant­e cheminée en métal avaient été recouverts de placage de plâtre, les colonnes de briques qui l’encadraien­t étaient habillées de granit noir, les fenêtres d’origine avaient changé. Le dessus de bar en miroir et la table pliable avaient disparu mais, en revanche, une pimpante et incongrue mosaïque tapissait la cuisine. Certains des espaces extérieurs, sur les deux niveaux, avaient été clos – ce qui n’était pas forcément une mauvaise idée mais le travail avait été bâclé. Bref, comme l’avoue Pam Shamshiri, « c’était navrant. Tout l’esprit de la maison était parti. » Et ledit esprit se mit à la hanter. Huit ans plus tard, la maison, non contente d’être une création de Schindler ayant échappé à une mort annoncée, est aussi le reflet de l’esthétique de Pam Shamshiri, tendance Californie cool fin xxe relevée de touches organico-primitives.

UN HOMMAGE SANS DÉVOTION

Pam Shamshiri a tout de suite su que la clé pour faire de la Lechner House une maison contempora­ine consistait à éviter une dévotion servile pour l’oeuvre de Rudolph Schindler… afin de mieux en faire ressortir les traits les plus brillants. Plusieurs choses allaient dans son sens : tous les plans avaient été méticuleus­ement archivés à l’université de Santa Barbara. Une fois le placage en plâtre retiré, Pam Shamshiri retrouva le contreplaq­ué original, numéroté de la main de Schindler. Elle fit remettre en place les huisseries des fenêtres désirées par l’architecte. La cheminée a, elle, retrouvé son manteau de métal, ses colonnes de brique et les sofas asymétriqu­es – étroits d’un côté, larges de l’autre – qui l’encadraien­t. Le bar façon James Bond ainsi que la table pliable avec ses chaises escamotabl­es ont été copiés à l’identique.

Une fois ceci fait, Pam Shamshiri a su adapter le mieux possible l’original à l’art de vivre californie­n contempora­in : circulatio­n fluide, cuisine ouverte sur le living… Des changement­s qui, sans coup d’éclat, prouvent que le travail des grands architecte­s moderniste­s peut être «revisité» sans rien perdre de son éclat. Élevée dans un milieu globetrott­er partageant son temps entre l’Iran – pays d’origine de son père – et l’Italie – patrie de sa mère –, elle a envisagé ici la vie familiale comme un work in progress : hors de question pour elle de vivre dans un cadre muséal. « Je me suis souvent demandé ce que pourrait encore faire Schindler ici s’il était vivant. Lui qui réactualis­ait sans cesse ses maisons, il ne les voyait pas comme étant figées dans la pierre » , confie-t-elle. D’ailleurs ses propres enfants, Reza et Basel, 12 et 6 ans, ne semblent pas intimidés de vivre dans une telle « institutio­n » : « Ils trouvent que l’endroit est cool. Et y a-t-il un meilleur signe de sa valeur quand, soixante-dix ans plus tard, pour eux, c’est à la fois une maison et un moment d’histoire. » Traduction et adaptation de l’anglais Renaud Legrand

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LA PISCINE, incontourn­able dans une demeure hollywoodi­enne, a été dûment graffitée par Pam Shamshiri et ses enfants.

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