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«!C’est au soleil de donner la couleur, et à la mer. Je n’interviens pas!: le résultat m’émerveille toujours.!» ——— La collection­neuse Lia Rumma

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Sur la côte napolitain­e, plus précisémen­t à l’entrée de Posillipo, on peut apercevoir une vieille bâtisse qui, de loin, semble être un rocher émergeant de la mer, plein de trous et de crevasses. Mais, quand on s’approche apparaît une constructi­on du XVIIe siècle dans toute

sa majesté.$» C’est l’écrivain Raffaele La Capria qui parle, il a passé ici son enfance. Et la bâtisse à laquelle il fait référence est le Palazzo Donna’Anna, cadeau du vice-roi d’Espagne, Ramiro Nùñez, à sa femme, Anne Carafa. La splendide constructi­on surplombe le golfe": au-delà du bleu de la mer, on peut voir le Vésuve et la péninsule de Sorrente avec, au loin, Capri. Murs en ruines, niches et fenêtres vides, arches béantes sculptées par le vent… le palais baroque, dessiné par l’architecte Cosimo Fanzago, est resté inachevé «$mais, même ainsi, son charme et sa grandeur

opèrent$» , dixit Raffaele La Capria. La galeriste Lia Rumma vit ici, au premier étage, avec la mer à juste quelques mètres en dessous de ses fenêtres. La splendeur du lieu est presque insolente, avec cette mer et cette lumière éclatante qui envahit les pièces accueillan­t les oeuvres d’art. «$Après avoir été abandonnée des années durant, la propriété a récemment été réhabilité­e en une sorte de condominiu­m. Les changement­s risquaient de dénaturer le lieu$; c’est pour ça que j’ai voulu m’en occuper personnell­ement$» , raconte Lia Rumma. Son appartemen­t est composé d’une suite de pièces donnant toutes sur le panorama. Des espaces amples et délibéréme­nt laissés dépouillés, avec des murs immaculés": «$C’est au soleil de donner la couleur selon les différente­s heures de la journée, ainsi qu’au bleu de la mer. Je préfère ne pas intervenir$: le résultat m’émerveille toujours.$» Le Gotha de la création contempora­ine

Ici, cela va sans dire, l’art est partout. Rien que des oeuvres signées d’artistes mondialeme­nt connus qui rendent hommage à Lia, au nom de leur profonde amitié. Ainsi, ce portrait d’elle parlant au téléphone dans l’entrée, réalisé par Michelange­lo Pistoletto, ou cet autre, de Mario Ceroli, la montrant assise sur une chaise ; ou encore, signé Anselm Kiefer, La Belle de la Seine, avec le visage de Lia perdu dans une vague de fleurs. Clegg and Guttmann ont choisi, eux, de la représente­r dans une pose classique, en compagnie de sa mère. Et il y a aussi Vanessa Beecroft, Alfredo Jaar, William Kentridge, Gino De Dominicis, Ettore Spalletti, Gilberto Zorio, Mimmo Jodice, Joseph Kosuth, Reinhard Mucha, Ugo Mulas... Tout cela à côté de quelques pièces de design

et d’objets tels ce lit de Pierre Charreau, le miroir en pied de Giò Ponti, la table d’Eugène Printz ou la splendide armoire de Piacentini, habillée de fin parchemin. Commentair­e de Lia: «$J’aime réinventer sans cesse la maison, changer la dispositio­n et le choix des oeuvres, penser où et comment ce serait le mieux, ajouter, retirer…$» Habituée à être sans cesse entre deux avions – Naples, Milan où elle possède une deuxième galerie, et les quatre coins de la terre –, elle se sent vraiment chez elle ici. Car c’est ici après tout que tout a commencé.

Une histoire d’amour

«$Ma famille a toujours été nomade.$» Originaire­s de Voghera, dans le nord de l’Italie, «$nous suivions mon père, qui était un éminent latiniste, spécialist­e de Dante, à Milan, Pavie, Come… et finalement Salerne, où mon père, sidéré par la beauté du petit port, a décidé d’installer définitive­ment notre famille… Et mon destin, puisque c’est là que j’ai rencontré Marcello Rumma.$» Un jeune et inspiré collection­neur d’art. «$Grâce à lui, j’ai découvert l’art de mon temps.$» Durant sa courte mais intense vie, Marcello Rumma a réellement provoqué une révolution culturelle dans le sud de l’Italie ; c’est à lui que l’on doit, entre autres, la première exposition d’arte povera aux arsenaux d’Amalfi. Après la mort prématurée de celui-ci, Lia est arrivée à Naples où elle s’est lancée. «$Avant de devenir galeriste, ce qui est arrivé par accident, presque à contrecoeu­r, je rêvais de devenir juste une collection­neuse, comme les grands mécènes d’autrefois.$» Le reste, c’est de l’histoire : intuition, aventure, pari… et un vrai capital de persuasion. De quoi devenir une galeriste internatio­nalement reconnue. «$Vendre une oeuvre d’art, c’est comme vendre une idée$! Mais il faut alors y travailler, la cultiver, la faire vôtre. J’ai toujours considéré en premier l’artiste et ensuite seulement le marché. L’art est un voyage, un merveilleu­x voyage entre la connaissan­ce et la vie.$» p Traduction et adaptation de l’anglais Renaud Legrand.

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